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Migrations et mondialisation

Lundi 14 mars 2005, par Gustave MASSIAH

Les migrations sont au cœur des transformations de chaque société et du système mondial. Les migrants sont des acteurs des sociétés et du monde. On ne peut comprendre notre société sans prendre en compte les migrations et les migrants. Parler de la société française en négligeant l’immigration, c’est parler d’une société française irréelle. Les migrations et les migrants peuvent être considérés comme des analyseurs de nos sociétés et du monde. Nous partirons aussi du principe que l’émergence d’un mouvement altermondialiste modifie les perspectives et les points de vue sur l’état du monde.

Quatre entrées sont proposées :

  • Remettre en perspective les rapports entre migrations et mondialisation
  • Penser les migrations à partir d’une déconstruction du discours dominant et des évidences
  • Mettre en évidence les pratiques des migrants en tant qu’acteurs des sociétés et du monde
  • Définir les propositions portées par le courant altermondialiste

Les rapports entre migrations et mondialisation

Les migrations précèdent de loin la mondialisation telle que nous l’entendons aujourd’hui. Elles sont consubstantielles de l’histoire de l’Humanité. Elles charrient encore les représentations des anciennes contradictions entre nomades et sédentaires. Elles prennent un tour nouveau avec l’émergence des Etats et des Nations. L’étranger n’est plus seulement l’autre par rapport au groupe ou à la communauté, la nationalité et la citoyenneté modifient les perceptions de l’identité et la formalisation des droits. Elles sont marquées par les déplacements forcés de population, les grandes traites esclavagistes, les colonisations et le travail forcé. Elles sont à nouveau transformées par les rapports sociaux capitalistes dans l’agriculture et l’industrie. Les migrations intérieures, dans un même pays, ou extérieures, les migrations alternantes ou permanentes sont constitutives de la nature des classes sociales dans chacune des formations sociales nationales.

Les formes et les modalités des migrations actuelles ont aussi leur histoire. Citons les diasporas qui structurent le système monde planétaire ; les réfugiés suite aux guerres ou aux catastrophes « naturelles » ; les migrations économiques ; les regroupements familiaux ; les exodes de cerveaux ; les « assistances techniques » ; la nouvelle classe dominante mondialisée (grandes entreprises, institutions internationales, financiers, médias, etc.)

Mais, si les migrations sont ancrées dans le passé, elles sont aussi historiquement situées. Elles s’inscrivent aujourd’hui dans la phase néolibérale de la mondialisation. Les migrations sont fortement déterminées par les politiques néolibérales qui donnent la primauté à la croissance et subordonnent la croissance au marché mondial. La transformation sociale est conçue comme l’ajustement structurel de chaque société au marché mondial passant par le champ libre laissé aux entreprises mondiales considérées comme les seules porteuses de modernité ; à la libéralisation des économies livrées à la rationalité du marché mondial des capitaux. Cette logique conduit à la prédominance du droit des affaires et de la concurrence dans le droit international et dans le droit de chaque pays ; aux privatisations et à l’abandon de la notion de service public entendu au sens du droit égal d’accès pour tous.

Ces politiques ont des effets dramatiques pour chacune des sociétés et pour le monde.

  • La croissance monétaire réelle dans de nombreuses sociétés et dans le monde se traduit par un élargissement de la pauvreté et un approfondissement des inégalités sociales dans chaque société. Les inégalités sont structurellement liées aux discriminations. La généralisation de la précarisation frappe de plein fouet les immigrés.
  • Les inégalités Nord-Sud sont de plus en plus fortes, malgré l’émergence de quelques zones industrialisées. Elles s’appuient sur la dette et le contrôle des matières premières. Elles se traduisent par la généralisation des conflits et des guerres et la montée des fondamentalismes et des évangélismes. Elles produisent des masses croissantes d’émigrés.
  • Le modèle productiviste remet en cause les limites des écosystèmes et de l’écosystème planétaire multipliant les catastrophes majeures et mettant en danger les droits des générations futures.
  • Les réponses dominantes à l’insécurité sociale et écologique accroissent les formes de répression appuyées sur des idéologies sécuritaires ; elles construisent l’intolérance et mettent en danger les libertés et la démocratie.

Les migrants supportent directement les conséquences de cette situation. Ils sont massivement précarisés ; leurs droits sont remis en cause et ignorés quand ils ne sont pas simplement niés. La planète se couvre de camps de réfugiés et de refoulés. Nous assistons à un véritable apartheid planétaire. Les pays riches verrouillent leurs frontières et s’enferment dans leurs territoires. L’écrasante majorité des migrations concerne des flux Sud-Sud. Mais les guerres, les catastrophes, les changements de régime se traduisent par des exodes massifs. La purification ethnique et la ségrégation sociale deviennent un modèle d’évolution sociale et nationale.

Les migrants prennent dans les imaginaires la place des classes laborieuses et dangereuses attachée au prolétariat. Accepter de faire des étrangers et des migrants les boucs émissaires de cette situation est dangereux et illusoire. Comme ils ne sont ni la cause ni la solution à cette situation, leur stigmatisation ne fera qu’augmenter les craintes, alimentera le racisme et entraînera toute la société dans une spirale régressive. La défense des droits des étrangers et des migrants est essentielle. Non seulement parce que leurs droits sont particulièrement contestés ; mais aussi parce que ces droits s’inscrivent dans l’ensemble des droits et que leur remise en cause se traduira par une atteinte à tous les droits et aux droits de tous.

La déconstruction du discours dominant et des évidences

Pour penser les migrations, il faut commencer par déconstruire le discours dominant. C’est la première étape de la bataille des idées. Le discours dominant s’appuie sur trois propositions :

  • Pour maîtriser les flux migratoires, il faut fermer les frontières et passer des accords d’Etat à Etat.
  • L’intégration des réguliers et la lutte contre le racisme passe par la lutte contre les clandestins.
  • Pour arrêter l’émigration, il suffit de développer les pays et les régions d’origine.
    Chacune de ces propositions s’affirme comme une évidence irréfutable, appuyée sur le bon sens. Certes, il y a du « vrai » dans chacune de ces propositions, mais ce « vrai » sert à construire du « faux ». Chacune des propositions est contestable, et l’ensemble du raisonnement est faux et conduit à une impasse.

Il est difficile d’opposer, par principe, le laissez-faire à la maîtrise en matière d’évolution. Encore faut-il savoir quels sont les objectifs de cette maîtrise et quelles formes elle peut prendre. La fermeture des frontières renvoie à un fantasme, celui de figer une situation pour préserver un équilibre statique, celui de stabiliser à un instant donné une population formée par une évolution constante. La notion d’équilibre des caractéristiques fondée sur de subtils seuils de tolérance peut conduire par glissements progressifs à une conception ethnique de l’identité. La proposition de n’accepter que les éléments déterminés par les intérêts immédiats d’une économie française ne peut ignorer la nature de cette économie tournée vers l’exportation et le renforcement de positions dominantes. La maîtrise des flux migratoires ne peut faire l’économie d’une prise en compte de la distribution des richesses et des peuplements. Comme le disait si bien Alfred Sauvy, « si les richesses ne vont pas aux hommes, les hommes iront aux richesses et rien ne pourra l’en empêcher ! »

La fermeture des frontières est mise en avant pour refuser la liberté de circulation. Or, la liberté de circulation fait partie des droits fondamentaux reconnus par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. On peut imaginer de la réglementer et de l’organiser en fonction des situations ; on ne saurait la nier et la rendre impossible. La liberté d’établissement qui fait partie de la liberté de circulation peut être régulée en fonction des droits des populations résidentes et de la préservation du droit du travail. Dans tous les cas, la fermeture des frontières est illusoire. Actuellement, plus de soixante millions de personnes entrent chaque année en France, comme touristes, pour la plupart sans visas. Les visas sont réservés aux habitants de ce que la France définit, comble du cynisme, comme ceux de sa « zone de coopération prioritaire ». La politique, la pratique des visas dans les consulats de France, arrogante et humiliante, est un scandale absolu. La fermeture des frontières renforce les fantasmes, les peurs et l’insécurité. Elle alimente la phobie de l’invasion des barbares. Certes, il y a des risques de déséquilibre dans des périodes de grande crise. Mais, toutes les expériences montrent que les habitants du monde n’attendent pas de se déverser en Europe ; ils préfèrent massivement rester chez eux. L’élargissement de l’Europe à l’Espagne, au Portugal et à la Grèce a même démontré que l’ouverture des frontières s’était traduite par un rééquilibrage et un retour pour de nombreux émigrés. Les murs que l’on élève peuvent vous rendre prisonnier. Ce n’est pas sans raison que la Fédération Internationale des Droits de l’Homme milite pour la suppression des visas de courte durée dans le monde, et particulièrement en Europe.

L’idée que l’intégration des réguliers et la lutte contre le racisme passe par la lutte contre les clandestins peut paraître logique. Et pourtant c’est l’inverse qui peut être observé. La lutte contre les clandestins insécurise de manière permanente les immigrés en situation régulière. Elle est conduite dans cet objectif. Elle s’attaque aux victimes, les clandestins et n’inquiète pas ceux qui en profitent. La lutte contre les clandestins produit sans cesse de nouveaux clandestins. Les règlements font passer sans discontinuer des immigrés réguliers dans l’irrégularité. Ils les projettent ensuite dans l’illégalité et les transforment en délinquants, emplissant les prisons de personnes qui sont passées sans même s’en rendre compte en situation irrégulière.

La mise au ban des migrants et des étrangers fait partie d’une politique de précarisation généralisée. Cette précarisation se traduit par les licenciements et le chômage, la marginalisation des empois stables, la remise en cause des statuts sociaux et des systèmes de protection sociale. La négation des droits pour une partie de la population fragilise l’ensemble. Progressivement, les droits des catégories successives sont remis en cause. Nous avons pu vérifier que l’atteinte à l’accès des étrangers aux services publics est une première étape pour restreindre l’accès de tous aux services et subordonner cet accès à des mécanismes de marché discriminatoires en fonction de revenus. Aucune politique reposant sur la division et l’exclusion ne peut assurer un progrès social et démocratique ; elle se traduit toujours par une exclusion en chaîne. La précarisation généralisée est le résultat recherché des politiques de libéralisation menée dans le cadre de la mondialisation. Elle accroît aussi l’insécurité réelle qui résulte de la remise en cause des statuts sociaux par la précarisation, des solidarités et des identités par la modernité, de la paix par les conflits. Elle permet les manipulations qui renforcent les idéologies sécuritaires.

Le discours dominant prétend s’attaquer aux causes. Il s’appuie sur ce qui prend l’apparence d’une évidence. Puisque l’émigration résulte du sous-développement et des inégalités de développement, il suffirait pour arrêter l’émigration de développer les pays et les régions d’origine. Si le constat de départ n’est pas faux, il sous-estime la complexité du rapport entre émigration et développement et la réflexion sur la nature du développement. En fait, l’expérience historique constante le confirme ; dans une première phase, le développement accentue l’émigration. La raison en est que tout développement, toute transformation sociale produit des déséquilibres ; l’accroissement de la productivité du travail « libère » une partie du travail qui alimente l’émigration. C’est bien longtemps après que les flux se tarissent, voire s’inversent. Toute l’histoire de l’Europe et de la Méditerranée est marquée par cette dialectique. Encore récemment, l’Espagne est passée il y a moins d’une génération d’une situation de pays d’émigration à celle d’un pays d’immigration en provenance du Maghreb.

La simplification outrancière du rapport entre migrations et développement n’est pas anodine. Le discours dominant affirme ainsi, avec cynisme et hypocrisie, qu’il suffirait d’accroître l’aide et les investissements vers les pays d’émigration et, dans le même temps d’interdire l’immigration, sans se préoccuper plus avant de la différence de temporalité dans la relation entre migrations et développement. On a vu ainsi se multiplier les rapports d’Etat à Etats transformant les régimes des pays d’émigration en police des frontières des pays riches. Les libertés sont bafouées ; le droit d’asile est remis en cause systématiquement. L’Europe se couvre de camps de rétention pour les immigrés « clandestins » et maintenant, les camps d’attente sont directement implantés dans les pays du pourtour européen.

La déconstruction du discours dominant est une des étapes de la définition des positions à prendre sur les migrations. Nous retiendrons qu’il convient d’organiser différemment les différentes propositions : l’évolution des flux migratoires, le rôle des frontières dans la régulation de la mondialisation, la place des discriminations et du racisme, le rôle des réglementations dans l’illégalité et la situation des clandestins, la continuité entre les clandestins, les immigrés en situation régulière et les autres catégories de citoyens, les rapports entre développement et migrations. La définition des politiques migratoires dépend des situations. Dans le contexte de la phase actuelle de la mondialisation, nous devons définir les principes qui permettent de fonder des alternatives en termes de propositions et de politiques. Avant cela, il convient de s’interroger sur les pratiques des migrants et sur les nouvelles perspectives qu’elles ouvrent dans la compréhension des transformations sociales et de la mondialisation.

Les migrants acteurs des sociétés et du monde

Les migrants sont des acteurs de la transformation sociale dans le pays d’accueil et dans le pays d’origine. Les migrations sont déterminées par les fondements de la phase actuelle de la mondialisation : les inégalités sociales et les discriminations, les inégalités entre pays et la domination du Sud par le Nord. Les migrants sont au cœur de ces questions, mais ils ne sont pas seulement subis. Ils développent des pratiques qui sont aussi des réponses à ces situations. Dans des conditions difficiles, ils ouvrent de nouvelles voies de l’évolution des sociétés. Inutile de rappeler ici la contribution du travail des migrants à la richesse des sociétés qui les accueillent ; même s’ils en sont bien mal récompensés. Ils participent de mille autres manières à l’évolution de ces sociétés, à leurs équilibres démographiques et sociaux, à leur diversité et à leur enrichissement culturel.

Les migrants sont des acteurs de la transformation de leur société d’origine. D’une part, ils contribuent à desserrer les contraintes démographiques et sociales. Les transferts de fonds envoyés à leur famille sont considérables. Au niveau macroéconomique, les flux financiers des migrants sont du même ordre de grandeur que l’Aide Publique au Développement : environ 8 milliards d’euros par an pour la France. Les conséquences sont majeures pour les revenus des ménages et la balance des paiements des pays d’origine. Les projets soutenus par les migrants correspondent à une demande locale et à des besoins de proximité. Enfin et surtout, les flux arrivent directement à la base, dans les ménages les plus pauvres, avec un minimum de « dérivation ».

Les migrants ont esquissé des réponses, partielles mais très intéressantes, à la conception dominante du développement. La coopération des migrants est inscrite dans une conception endogène du développement. Elle concerne au premier chef le développement local, la mobilisation de l’épargne domestique, la création de services locaux de proximité dans les villages et les quartiers, l’élévation du niveau de qualification et d’ouverture des groupes locaux. Certes, les difficultés et les contre-effets ne manquent pas (gaspillage de ressources, détournements d’objectifs et de moyens, etc.), mais ils peuvent être corrigés. Et surtout ils n’empêchent pas l’intérêt majeur de ces actions. Cette coopération, révélée par la place des flux migratoires (diasporas, réfugiés, migrations économiques, demandeurs d’asile, exode des cerveaux et assistance technique…) correspond à une demande populaire et à des dynamiques internes. Elle est une réponse au développement, à l’échelle mondiale, mettant en avant le développement à la base et la participation.

Les migrants sont aussi des acteurs des rapports internationaux et de la transformation du monde. Les migrants sont porteurs des rapports entre les sociétés et d’une valeur nouvelle, la solidarité internationale entre les sociétés et les citoyens. Les migrants sont un vecteur stratégique et privilégié de la sensibilisation des sociétés à la solidarité internationale, en France, en Europe et dans les pays d’origine. Les enjeux sont multiples. Dans le cas de la France, c’est permettre à une partie importante de la population française et vivant en France de s’investir activement dans des actions de solidarité internationale. Sa reconnaissance qui permettrait de développer la dignité et l’intégration. S’appuyer sur la richesse et la diversité des habitants et des citoyens d’un pays, c’est ancrer la solidarité internationale dans la réalité des quartiers, des communes et des régions, c’est construire un niveau supérieur d’identité et d’unité dans ce pays ; c’est l’ouvrir au monde. La coopération des migrants illustre de mille façons l’intérêt et le rôle stratégique du partenariat entre des groupes et des associations, objectif et moyen de la coopération entre les sociétés comme alternative à un système international fondé sur la domination.

Les propositions

  • Du point de vue du mouvement altermondialiste, nous pouvons avancer six principes de base :
  • Les migrants doivent être reconnus comme acteurs de la transformation des sociétés de départ et d’accueil et comme acteurs de la transformation du monde
  • La liberté de circulation et d’établissement fait partie des droits fondamentaux.
  • Le droit des étrangers doit être fondé sur l’égalité des droits et non sur l’ordre public ; la lutte contre les inégalités et les discriminations doit être le fondement des politiques publiques.
  • La citoyenneté de résidence, qui implique l’élargissement du droit de vote, est aujourd’hui un des principaux fondements démocratique de nos sociétés.
  • La solidarité internationale est une des principales valeurs de référence par rapport au cours dominant de la mondialisation.
  • La garantie du respect des droits des migrants doit être renforcée dans le droit international.

Ces principes de base définissent les positions du mouvement altermondialiste sur les questions des migrations. Leur approfondissement permet de rejoindre la cohérence des positions générales du mouvement et contribue à construire cette cohérence.

A titre d’illustration de cet approfondissement et de cette cohérence, reprenons trois de ces principes de base.
Ainsi, par exemple la compréhension de la question de la liberté de circulation a beaucoup progressé. Reconnaître cette liberté comme un droit fondamental est un préalable et l’indication d’un objectif. Le choix est entre la théorisation de la fermeture et la volonté d’aller vers l’ouverture en tenant compte des risques. Cette reconnaissance ne revient pas à décréter l’ouverture immédiate et incontrôlée des frontières, car comme toute liberté, la liberté de circulation et d’établissement doit être aménagée et organisée. Mais, les difficultés à mettre en œuvre un droit n’autorise en aucun cas à accepter la négation de ce droit. De même, il est certes utile de pointer la contradiction entre la liberté de circulation des marchandises et des capitaux et de noter le refus de la liberté de circulation des personnes. Pour autant, il ne s’agit pas d’accepter la circulation des hommes au prétexte de celles des capitaux c’est avaliser la marchandisation et la mondialisation néolibérale ; il s’agit de mettre en avant les droits comme fondement de la construction et de la régulation d’un autre monde possible.
Prenons aussi l’exemple de l’égalité des droits. Les migrants et les étrangers sont une des fractions de la population les plus exposées ; le respect de leurs droits fait partie intégrante de la lutte pour le respect des droits de tous. Il s’agit de choisir de vivre libres et égaux en droit, sans ignorer les risques, sans les surestimer non plus. Le respect des droits des migrants passe par la lutte contre les discriminations et la garantie d’égalité d’accès qui doivent fonder les politiques publiques.

Il en est de même pour la citoyenneté de résidence qui est aujourd’hui le fondement démocratique de nos sociétés. Elle préserve le rapport entre citoyenneté et territoire mis à mal par la mondialisation. Elle fonde les libertés démocratiques de chaque personne par le respect des droits des minorités, d’une part, et par rapport à l’imposition des appartenances communautaristes, d’autre part. Le défi de la période à venir est dans l’élargissement et l’approfondissement démocratiques par l’articulation des formes représentatives et participatives à tous les niveaux (l’entreprise, le local, le national, les grandes régions et particulièrement l’Europe, le mondial). La place des migrants et des étrangers est un révélateur de cette évolution ; elle montre l’importance de progresser vers la définition d’une démocratie mondiale.

Ces principes de base permettent l’évaluation et la définition, dans les contextes et en situation, de politiques migratoires alternatives. Ils permettent aussi de mettre en perspective les très nombreuses propositions qui émergent dans les luttes et les pratiques des migrants, dans les mouvements de solidarité avec ces luttes, dans les luttes sociales et citoyennes qui caractérisent le mouvement altermondialiste.