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LE G192 FACE AU G20

Les chefs d’Etat viendront-ils en juin à New York ?

Vendredi 1er mai 2009, par François Houtart

Le 16 avril dernier l’Assemblée générale des Nations unies adoptait les modalités de réalisation de l’initiative de son président, Miguel d’Escoto, l’ancien ministre des Affaires étrangères du Nicaragua, convoquant pour les 1,2 et 3 juin prochains, une Conférence des Chefs d’Etat des 192 pays de l’ONU sur la crise mondiale. Cette dernière, dont l’origine se situe au Nord, affecte gravement la périphérie. La Banque mondiale estime que les 129 pays les plus pauvres affronteront en 2009, un deficit de 700 mille millions de dollars. Le dysfonctionnement financier atteint aujourd’hui l’économie réelle. Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), plus de 50 millions de travailleurs perdront leur emploi en moins d’un an.

Le caractère universel de la crise et sa gravité exigent, pour y faire face, la participation de toute la communauté internationale. Le G20 s’est autoproclamé l’arbitre mondial, mais il manque de légitimité juridique et morale pour prendre des decisions qui affectent l’ensemble des pays de la planète. Certes, il représente plus de 80 % du poids économique mondial, mais son monopole décisionnel signifie que les victimes n’ont pas le droit à la parole. Or c’est parmi elles que l’on trouve les principaux experts en matière de pauvreté.

Pour préparer la Conférence des Chefs d’Etat (le G192), une Commission pour la Réforme du système financier et monétaire international fut créée, sous la présidence de Joseph Stiglitz, prix Nobel de d’Economie et ancien vice-président de la Banque mondiale. Elle est composée d’une vingtaine de membres, essentiellement des économistes, anciens ministres des finances ou directeurs de banques centrales, du Nord et du Sud.

En effet, le G20 ne s’est guère montré à la hauteur des défis et des enjeux. Dans un editorial du New York Times du 7 avril dernier, à propos de la promesse de soutien aux économies de la périphérie, on pouvait lire : “Une partie de l’argent avait déjà été allouée, une partie relève d’un double calcul et une autre partie sera degagée en monnaie de synthèse et non en effectifs”. Par ailleurs, les mesures concernant les paradis fiscaux sont partielles et partiales. Les principales places anglosaxonnes y échappent. L’application des politiques en faveur du Sud sont confiées au FMI, l’un des principaux auteurs des politiques procycliques menées en périphérie. Quant aux réformes des institutions financières, elles se limitent à quelques voix supplémentaires pour les pays émergents et à l’ouverture de leur direction à d’autres ressortissants que des Etats-Unis ou de l’Europe.

La Commission des Nations unies va au delà. Elle s’attaque plus fermement aux paradis fiscaux et au secret bancaire. Elle prévoit des normes plus strictes de fonctionnement, pour les banques (exigences de fonds propres et normes comptables harmonisées) pour les autres institutions financières et pour les agences de notification. Elle propose de mettre fin au monopole du FMI sur les droits de tirage spéciaux et de régionaliser le système par le biais d’organes, tels la Banque du Sud en Amérique latine ou l’intiative de Chieng Mai en Asie. Elle suggère des réformes plus profondes des organismes de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI).

Elle recommande enfin la constitution d’un Conseil mondial de Coordination économique, parrallèlle au Conseil de Sécurité et à l’Assemblée générale, réunissant annuellement les chefs de gouvernement, afin de faire le point sur la situation économique, sociale et écologique du monde. Enfin, pour l’exécution des mesures, elle estime nécessaire la mise en place de deux “Autorités mondiales”, l’une de régulation financière et l’autre sur la concurrence.

Certains Etats du G20 font pression pour que les chefs d’Etat ne viennent pas en personne à la Conférence de juin, mais se contentent d’envoyer un ministre ou un ambassadeur. Or, les enjeux sont considérables. La crise n’est pas seulement financière, mais aussi alimentaire, énergétique (il faudra changer de cycle dans les 50 ans qui viennent et cela demandera des engagements financiers considérables), climatique (beaucoup plus sérieuse que l’on ne pense) et finalement sociale et humanitaire (un millard de personnes vivant sous le seuil de pauvreté).

Réguler le système financier et monétaire mondial est donc un pas seulement dans un processus plus fondamental. Remettre la machine en route, c’est bien, mais pour quoi faire ? Si c’est pour recommencer comme avant, sur base d’une logique prédatrice des resources naturelles et créatrice d’immenses inégalités sociales, on devra tout recommencer dans moins de 20 ans. A terme, il faut changer à la fois les paramètres des rapports à la nature, la définition de l’économie, l’organisation politique mondiale et la conception même du développement et de la croissance. Cela vaut bien une réunion des chefs d’Etat ! Voilà pourquoi, la pression de l’opinion publique, des mouvements sociaux, des partis politiques, des intellectuels est indispensable pour que dans chaque pays la participation à la Conférence de juin (le G192) soit du plus haut niveau.

François Houtart est le représentant personnel du président de l’Assemblée générale des Nations unies auprès de la Commission pour la Réforme du système financier et monétaire international