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PAKISTAN

Lueur d’espoir sur fonds de crise aiguë

Mercredi 17 octobre 2007, par Pierre Rousset

La réélection, le 6 octobre dernier, de Pervez Musharraf à la présidence du Pakistan ne résout en rien la crise de régime que traverse le pays. Cette crise a de multiples facettes et s’avère lourde de dangers pour le mouvement démocratique et populaire.

Une double crise de légitimité.

Quand le général Pervez Musharraf a pris le pouvoir, en 1999, via un coup d’Etat, il a bénéficié d’un réel soutien dans la population et, même, de la neutralité bienveillante d’une partie de la gauche politique ou associative. Le discrédit du régime parlementaire, miné par la corruption et le népotisme, était si profond qu’il profitait alors à l’armée. Aujourd’hui, c’est au tour du régime militaire d’être frappé de discrédit.

Vu les conditions dans lesquelles Musharraf a imposé sa réélection, il ne peut se prévaloir d’aucun mandat démocratique. Il a refusé le renouvellement préalable des diverses assemblées législatives (ce sont elles qui élisent le président) ; comme il a refusé d’abandonner son poste de commandant en chef durant la campagne. Pour museler la contestation, des centaines de militants ont été incarcérés ou inculpés. En conséquence, dans leur majorité, les parlementaires d’opposition avaient démissionné avant le scrutin, ou l’ont boycotté.

Le régime des partis parlementaires traditionnels ne sort pas pour autant grandi de la débâcle morale de l’armée. Benazir Bhutto, à la tête du Parti du peuple pakistanais (PPP), a en effet signé un deal avec Musharraf : toutes les poursuites engagées contre sa famille pour corruption, à l’époque où elle était Première Ministre, ont été annulées pour prix de son soutien au général. Elle a ainsi contribué à briser le front d’opposition à un scrutin particulièrement anti-démocratique, alors que les journalistes (harcelés par les forces de l’ordre) et les avocats (fer de lance de la contestation) se heurtaient dans la rue à la police. Cette alliance Musharraf-Bhutto reste pour l’heure temporaire, même si Washington aimerait y voir l’amorce d’une transition ordonnée vers une démocratie de façade plus présentable.

Sur le plan institutionnel, la crise de légitimité de l’armée (qui a le plus longtemps occupé le pouvoir depuis la fondation du pays en 1947) et des partis affairistes (au gouvernement lors des interludes parlementaires) est loin de se refermer.

Sur pieds de guerre.

Cette crise de légitimité politique est aggravée, au Pakistan, par la dégradation de la situation militaire. Aucun des conflits dont le pays a hérité à se fondation, en 1947, n’est résolu. Pas de normalisation avec l’Inde, notamment sur la question du Cachemire, au nord-est. Un état de guerre au Balouchistan, à l’ouest, ainsi qu’au Waziristan, au nord-ouest. Dans cette dernière région, frontalière de l’Afghanistan, les accords de paix signés avec les tribus sont rompus et les combats sont redevenus très meurtriers entre l’armée et les talibans pakistanais, afghans ou « étrangers ». — la population locale faisant les frais des opérations militaires et, en particulier, des bombardements aériens.

Le développement de courants fondamentalistes violement sectaires est notable bien au-delà des régions frontalières de l’Afghanistan, notamment dans la province du Punjab, où se trouve la capitale Islamabad. Les services secrets pakistanais (ISI) ont toujours entretenu avec eux des rapports ambivalents (ils ont permis aux talibans de se constituer lors de la guerre afghane contre les soviétiques). Mais les rapports entre le régime Musharraf et les courants religieux les plus radicaux se sont aujourd’hui brutalement dégradés. Ainsi, aux tensions régionales (Afghanistan, Inde) et aux guerres de la périphérie (Balouchistan, Waziristan) s’ajoute une insécurité militaire au cœur même du pays.

Violences communautaristes.

Les islamistes ne sont pas les seuls à nourrir les violences communautaristes. Karachi, la métropole industrielle et portuaire du pays, est mise en coupe réglée par le MQM, un parti communautaire (formé par des immigrés musulmans venus des Etats majoritairement hindous, lors de la dissociation des deux pays) allié du président. Ses bandes armées se sont attaquées particulièrement burtalement au mouvement démocratique, lors de la venue du juge Chaudry, alors démis de la Cour suprême par Musharraf.

Une lueur d’espoir.

Lueur d’espoir dans ce panorama délétère, la vaste mobilisation initiée depuis 2006 par le mouvement des avocats, a brisé ces logiques dictatoriales (Musharraf), communautaristes (MQM) et fondamentalistes (talibans). Elle a donné à l’aspiration démocratique une autre image que celle du régime disqualifié des partis affairistes de notables. Elle a permis aux aspirations sociales de s’exprimer avec la présence d’organisations ouvrières et paysannes. Mais, malgré son ampleur et son dynamisme, cette mobilisation ne peut s’appuyer que sur des forces de gauche — politiques, syndicales et populaires — très faibles.

Pourtant, malgré sa faiblesse, la gauche militante offre une option politique alternative au binôme destructeur régime militaire/fondamentalisme religieux d’extrême droite. Cette alternative reste certes à construire, mais elle indique une voie d’avenir possible. De ce fait peut-être, elle est aujourd’hui soumise à une politique répressive particulièrement inquiétante. Farooq Tariq, notamment, ainsi que de nombreux autres membres du Labour Party Pakistan (LPP) ou d’autres organisations progressistes, ont été, à la veille du scrutin présidentiel, inculpés au nom de la loi anti-terroriste. Une loi qui n’était jusqu’alors utilisée que contre les islamistes radicaux. Le pouvoir veut étouffer dans l’œuf l’affirmation d’une opposition capable de faire le lien entre les exigences démocratiques et sociales de la population laborieuse. Il engage pour cela des mesures judiciaires extrêmement graves et une campagne de solidarité internationale est en cours pour obtenir la levée des inculpations.

ROUSSET Pierre