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BOLIVIE

Les suites du massacre

Samedi 20 septembre 2008, par Martiniano Nemirovsci (pagina dos)

Leopoldo Fernández, opposant au président Evo Morales, a été placé en détention préventive le 18 septembre, accusé d’être le commanditaire du massacre d’une vingtaine de paysans pro-Morales. Página 12 se penche sur le parcours ambigu de cet homme.

Les accusations qui pèsent contre Leopoldo Fernández - il serait l’instigateur du massacre du Pando [le 11 septembre dernier, dans le nord du pays] - sont sans doute les plus graves jamais portées contre lui. Mais ce n’est pas la première fois qu’il est soupçonné d’outrepasser ses pouvoirs. Homme politique, chef d’entreprise, fervent défenseur de l’autonomie, il a servi sous les dictatures de Luis García Meza, Celso Torrelio et Guido Vildoso (entre 1980 et 1982). L’énorme pouvoir politique qu’il a réussi à construire dans ce département amazonien lui a valu le surnom de "Cacique du Pando".

Fernández a été responsable de l’Institut de colonisation dans le Pando et a ensuite été ministre de l’Intérieur des présidents Hugo Banzer et Jorge Quiroga, entre 1997 et 2002. Jusqu’à son élection au poste de gouverneur du Pando, en décembre 2005, "el Cacique" a également passé du temps au Parlement, où il occupait un banc depuis vingt-sept ans [il était le sénateur le plus ancien du Congrès], comme membre de l’Action démocratique nationaliste (ADN).

Mais la romance avec son parti n’a pas été éternelle. Quiroga [Jorge Fernando Quiroga, président bolivien de 2001 à 2002, qui a perdu l’élection contre Evo Morales en 2005] l’a convaincu de changer d’étiquette et de rejoindre Podemos [Poder Democrático Social], un regroupement de partis de droite. En échange, il offrait à Fernández de présenter sa candidature au poste de gouverneur du Pando. Fernández remporta l’élection de justesse. Il n’eut que 428 voix de plus que son "fils politique" Miguel Becerra, un ancien d’ADN, candidat pour le parti centriste Unidad Nacional. Après sa victoire, l’ambitieux homme politique quitta Podemos.

Comme gouverneur, Fernández a toujours été un ardent défenseur de l’autonomie régionale. Ses intentions n’étaient pas nouvelles, il en avait déjà fait part lors de son entrée en politique, à l’époque où il tentait sa chance comme footballeur au club Bolívar de La Paz.

Les premières graves accusations contre lui remontent à septembre 2006. La ministre de l’Intérieur de l’époque, Alicia Muñoz, l’avait accusé d’entraîner à Cobija, capitale du Pando, plus d’une centaine de paramilitaires, soi-disant pour la "sécurité citoyenne". Le gouverneur a réfuté ses accusations, mais le chef de la police, Alberto Murakami, a reconnu l’entraînement de groupes de personnes qui souhaitaient ainsi répondre à une augmentation de la délinquance et à un "manque de policiers".

A l’instar des autres départements de la Media Luna [Santa Cruz, Tarija, Beni, les départements autonomistes, riches en hydrocarbures, opposés à Morales], le gouverneur du Pando a organisé, le 1er juin dernier, un référendum pour l’autonomie [de la région]. Le oui s’est imposé avec 83 % des voix, mais l’abstention a atteint des records puisqu’un électeur sur deux ne s’est pas présenté aux urnes.

Mais il n’y a pas que la politique dans la vie de Fernández. Il règne également sur la production de châtaignes et sur un important élevage. Il défend les intérêts des exploitants forestiers et des propriétaires terriens de la région, ceux-là mêmes qui, selon un communiqué diffusé par le vice-ministre de l’Agriculture, exploitent les indigènes depuis la fin du XIXe siècle.

De nombreux habitants du Pando racontent que "el Cacique" est l’homme le plus riche de la région et que tous ses proches ont pu bénéficier, à un moment ou un autre, de postes dans l’administration publique. D’après ce qu’il a déclaré à l’administration fiscale, ses biens atteignent 1,2 million de dollars.