|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > Mondialisation et résistances > Les défis du nouveau gouvernement

PÉROU

Les défis du nouveau gouvernement

Mercredi 27 septembre 2006, par Abelardo Vildoso

Par Abelardo Vildoso, Directeur de l’Association du travail pour le développement (ADEC-ATC), partenaire de Frères des Hommes au Pérou

Le 28 juillet, le Pérou a vu revenir au pouvoir Alan Garcia. Dans un pays où, malgré de bons indicateurs économiques, les tensions sociales restent fortes, la question de la répartition des revenus apparaît comme le défi à relever. Il ne s’agit pas seulement d’administrer l’Etat mais aussi d’envisager un modèle qui permette de vaincre la pauvreté.

Le nouveau gouvernement péruvien est entré en fonction le 28 juillet, sous la direction d’Alan García et de son parti, l’APRA (1). García avait déjà présidé le pays de 1985 à 1990, un mandat qui avait été désastreux : inflation, dévaluation, pénurie de produits de base, isolement international, terrorisme et violation des droits de l’Homme.

Il a toutefois été réélu, avec 52,5% des voix au second tour face à Ollanta Humala (2). Les votes de la ville de Lima et de la côte Nord, favorables à Garcia et qui sont aussi les zones à la plus forte croissance du pays, ont été déterminants. Les régions les plus pauvres étaient, elles, favorables à Humala, qui apparaissait comme le candidat « antisystème ».

Sous tension sociale

La victoire de García s’explique par un discours qui a su combiner la promesse d’améliorer la situation économique du pays avec la paix sociale. Il apparaissait aussi comme un moindre mal face à Humala qui, s’il canalisait le mécontentement, avait aussi un style privilégiant la confrontation et qui ne disposait pas d’une équipe capable de le seconder.

García arrive au gouvernement dans des conditions favorables : son parti est la deuxième force politique au Congrès. Il hérite du pays avec un excédent commercial et la pleine croissance (5% par an), grâce aux prix élevés des minerais d’exportation. Le climat international est favorable et l’opinion publique fait montre d’espoirs dans le nouveau gouvernement. Mais il trouve aussi un pays où les tensions sociales sont fortes, les attentes et les revendications nombreuses.

La pauvreté touche plus de 50% de la population péruvienne. Les inégalités de revenu sont grandes. Sans compter la corruption, un système éducatif de très mauvaise qualité et des lacunes dans les services de base. La situation est socialement explosive : la population ne se sent pas concernée par la croissance économique, ni représentée par les hommes politiques. Ces asymétries rendent compte d’un système qui creuse les inégalités. Et même s’il n’y a pas encore de mouvement social qui canalise les protestations, des mobilisations sont à prévoir si des mesures ne sont pas prises.

A court terme, l’APRA devra relever trois défis : modifier la carte politique dans les régions les plus pauvres (à quelques mois des élections régionales et municipales) ; assurer les relations entre l’Exécutif et le Congrès, et constituer un gouvernement qui montre l’ouverture et la volonté de changement.

A moyen et long terme, il devra créer des emplois, améliorer le système éducatif, garantir la justice, réformer l’Etat pour qu’il soit au service de la population et, surtout, parvenir à l’inclusion de larges secteurs de la population qui actuellement, de par leur culture ou leur condition sociale, ne sont pas pris en compte dans les politiques.

Omissions

Dans son discours d’investiture, le 28 juillet, García a annoncé des mesures fondamentales : la promotion de l’agriculture, la défense des droits du travail, l’accent mis sur les politiques sociales. Pour améliorer l’image du gouvernement, il a également annoncé une politique d’austérité, qui s’est traduite par la baisse des soldes du président et des députés.

Toutefois de nombreux doutes subsistent. Si le gouvernement a promis de développer des politiques sociales pour lutter contre la pauvreté, il n’a pas été clair sur les moyens de les financer, et son discours comportait de nombreuses omissions. Quid des réformes de l’Etat et du Pouvoir judiciaire ? Des recommandations de la Commission de la Vérité au sujet des victimes du conflit armé interne ? Et des alternatives au modèle économique néolibéral, cause de l’inégalité des revenus dans le pays ?

Pour García, c’est le gaspillage de l’Etat qui est la cause de la misère. Une affirmation qui masque le problème central. Ces dernières décennies, la richesse de quelques entrepreneurs a continuellement augmenté alors que les revenus des travailleurs diminuaient systématiquement.

Au Pérou, il ne s’agit pas seulement d’administrer l’Etat mais aussi d’envisager un modèle qui permette de vaincre la pauvreté, même si cela implique de remettre en cause des aspects centraux du modèle néolibéral. C’est là le grand défi de l’APRA et de l’ensemble de la société péruvienne.

Notes :
(1) L’Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine (APRA) est un parti fondé en 1924 par Victor Raúl Haya de la Torre avec un programme nationaliste et, dans un premier temps, teinté de marxisme. Depuis, le programme de ce parti et de son leader, Alan Garcia, s’est fortement modéré.
(2) Lors du 1er tour le 9 avril, Ollanta Humala avait remporté 30% des voix et Alan Garcia 25%.


Voir en ligne : www.fdh.org