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VENEZUELA

Les contradictions d’une victoire

Mercredi 25 février 2009, par Renato Godoy de Toledo

Le président Hugo Chávez et son Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV) viennent d’obtenir un succès politico-électoral important le 15 février passé, avec l’approbation par les électeurs d’amendements constitutionnels permettant d’être réélu de manière illimitée à toutes les charges publiques.

Le « Oui » aux modifications constitutionnelles a obtenu 55% des votes, contre 45% pour le « Non ». Mais au-delà de la question électorale, Chávez a également obtenu d’autres victoires importantes. Premièrement, à la différence de processus électoraux précédents, l’opposition a cette fois participé activement à la campagne pour le « Non » dont elle est sortie défaite. Deuxièmement, le référendum a pu compter sur une adhésion très forte : près de 70% des électeurs se sont présentés aux urnes, dans un pays où le vote est facultatif. En 2007, à peine 50% d’entre eux s’étaient déplacés.

Au terme du référendum du 15 février 2009, le président peut mettre en avant une rétrospective électorale méritante : en dix ans de gouvernement, il a obtenu 14 victoires sur 15 échéances [élections et référendums].

L’unique défaite a eu lieu en 2007, au moment le plus délicat de ses deux mandats, lorsque la réforme constitutionnelle de caractère socialiste n’a pas été approuvée. A l’époque, la thèse principale expliquant la déroute du mandataire – qui a eu lieu alors que celui-ci jouissait d’un large soutien populaire – c’était que l’on avait focalisé la campagne sur l’un des deux points de la nouvelle Constitution : la réélection illimitée, justement.

Cependant, l’on peut dire que Chávez a réussi en grande partie à se relever de son échec de 2007, puisque déjà il se porte candidat pour un troisième mandat consécutif. C’est ce qu’il a dit lors du discours qu’il a tenu au Palais de Miraflores, peu après avoir reçu confirmation de la victoire du « Oui » : « Le soldat que je suis est déjà pré-candidat à la Présidence de la République pour 2012. Je veux réitérer mon engagement pour le socialisme vénézuélien et je vous invite à retrousser vos manches pour la construction du véritable socialisme ».

Quel socialisme ?

Avec le succès du leader vénézuélien, il est nécessaire de discuter de la notion du socialisme défendue pas Chávez et ses collègues Evo Morales, en Bolivie, et Rafael Correa, en Equateur. Pour le sociologue vénézuélien Edgardo Lander, de l’Université Centrale du Venezula, un tel débat est encore très plat et se limite à la rhétorique. (Voir à ce sujet l’entretien avec E. Lander publié sur ce site en date du 4 février 2009)

Selon Lander, « L’accumulation théorique sur le socialisme duquel on se réclame pour le Venezuela est encore très balbutiante et n’en est qu’à ses débuts. On parle beaucoup de socialisme du 21e siècle, mais il n’y a pas de discussion politique et sociologique sur ce qu’est véritablement ce socialisme ».

Malgré le fait qu’il soit critique, Lander ne manque pourtant pas de faire ressortir d’importantes mesures du gouvernement, qui corroborent la construction de mécanismes de radicalisation de la démocratie. Enfin, le sociologue est d’avis que la révolution bolivarienne, pour utiliser une terminologie « officielle », est pleine de contradictions.

« Il existe des signaux très contradictoires. D’un côté, il y a la construction d’importants mécanismes de participation populaire. Mais de l’autre côté, une centralisation étatique et personnaliste est à l’œuvre dans une logique qui est en contradiction avec un processus de démocratisation. On parle de socialisme du 21e siècle, mais c’est un modèle de plus en plus étatique où l’autonomie des mobilisations est liée au pouvoir politique », poursuit Lander, qui dit ne pas savoir si le résultat du référendum représente ou non une avancée du socialisme lui-même. « Je ne sais pas si c’est une victoire du socialisme, mais certainement que c’est une victoire de Chávez », a-t-il conclu.

Personnalisme

Le journaliste uruguayen Raúl Zibechi, éditeur de l’hebdomadaire La Brecha et spécialiste de l’Amérique Latine, croit quant à lui que le référendum ne peut pas être considéré comme un pas vers le socialisme, puisque les routes vers celui-ci ne devraient pas être pavées d’agents de l’Etat. Il insiste sur une donnée : « Je ne crois pas que le socialisme ait un rapport avec cela [la victoire du « Oui »]. Le socialisme est composé par des relations sociales basées sur la solidarité, l’aide mutuelle, la réciprocité et la propriété collective des moyens de production. Et cela ne peut être effectué ni par les Etats, ni par les gouvernements, ni par les caudillos, mais par les secteurs populaires organisés en mouvements sociaux qui partent du bas pour aller vers le haut. »

Comme Lander, Zibechi fait ressortir la complexité de l’affrontement politique au Venezuela. « Il est probable que la continuité de Chávez génère de meilleures conditions pour lutter pour un monde socialiste. Mais, d’un autre côté, la perpétuation de Chávez au gouvernement peut renforcer la forte bureaucratie déjà existante », pense-t-il.

Mais, selon Zibechi, la responsabilité du caractère personnaliste du processus vénézuélien ne revient pas totalement au président. « Le caractère personnel du processus ne dépend pas seulement de Chávez, mais également beaucoup de gens parmi la population qui préfèrent avoir comme référence un caudillo lorsqu’il s’agit de prendre leur destin en main. Sur ce point, il ne faut donc pas attribuer l’entière responsabilité à Chávez, mais analyser le comportement de la population. Ce que la droite taxe de ‘chavisme’ c’est aussi une construction politico-idéologique qui se fait depuis le bas vers le haut », analyse-t-il. (Traduction de A l’Encontre)

* Journaliste auprès de l’hebdomadaire brésilien Brasil do Fato, proche du MST.

(24 février 2009)