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FRANCE

Durs défis pour la gauche

Mercredi 25 avril 2007, par Cédric Durand

Gueule de bois pour la gauche de gauche. Avec 85 % de participation, la mobilisation électorale a été impressionnante, signe d’un investissement des couches populaires dans le scrutin. Mais à qui a t-elle profité ? Au camp de la continuité libérale : Sarkozy, Royal, Bayrou.

Sarkozy réalise un score historiquement élevé pour la droite. Il est présenté comme le favori pour le 2nd tour en dépit du faible résultat du FN qui limite les réserves de voix dont il dispose. Autre élément inquiétant, ce n’est pas seulement le candidat des riches. Il recueille certes 55% des suffrages des votants qui indiquent un revenu supérieur à 4500 euros /mois. Mais, comme Bush au Etats-Unis, il a réussi à conquérir une frange significative de l’électorat populaire en recueillant près du quart des suffrages des personnes vivant avec moins de 1500 euros par mois.

L’émergence du centre avec 18,8% pour Bayrou n’est pas non plus une bonne nouvelle. Cette percée résulte d’un glissement d’une partie de l’électorat socialiste et vert un peu plus à droite. L’ensemble de la gauche obtient un score historiquement faible face à la droite et avec une hégémonie plus forte que jamais du Parti Socialiste (25% sur un total de 36% pour la gauche).

Traumatisé par le 21 avril 2002 et effrayé par l’ombre inquiétante de Sarkozy, l’électorat de gauche n’a voulu prendre aucun risque. Ces éléments cruciaux n’expliquent pas à eux seuls la gifle que vient de se prendre la gauche du PS et les verts : ce bloc a perdu près du tiers de ses électeurs soit 1 million six cent mille voix par rapport à 2002. Il y a seulement deux ans, les forces antilibérales contestaient avec succès le leadership du PS sur la gauche lors de la campagne référendaire sur le traité constitutionnel européen. Divisées, cette fois elles sont marginalisés. Et d’une certaine façon tout le monde perd : aussi bien la gauche de gauche satellisée par rapport au PS (PC et Vert) que les partis révolutionnaires (LCR et LO) puisque chacun de ces « pôles » perd environ un million de voix. La candidature de José Bové espérait incarner l’aspiration unitaire. Décidée tardivement, elle a été menée dans un climat d’improvisation et avec un certains nombres de flous politiques. En dépit d’une forte mobilisation militante et de la réussite que constitue en soi le fait d’être allé jusqu’au bout, avec 1,34%, elle n’est pas en mesure de bouleverser la donne à court terme.

Seule rescapée, la LCR d’Olivier Besancenot a fait une campagne très réussie et progresse légèrement en voix (+ 200 000) mais recule en pourcentage. Au soir du premier tour, à la gauche de la gauche, c’est le jeune facteur qui détient les clés d’une éventuelle dynamique de rassemblement. En 1995, forte de son succès, Arlette Laguiller avait appelé à la constitution d’un grand parti des travailleurs qui n’avait débouché sur rien. L’appel lancé par Olivier Besancenot à la création d’une nouvelle force anticapitaliste risque aussi d’être sans lendemain ou de se résumer à une simple croissance de la Ligue : d’ores et déjà, la LCR et le PCF ont refusé des candidatures unitaires pour les législatives à venir.

Il faut se garder d’interpréter la situation politique française et les rapports de force sociaux à l’aune de ces seuls résultats électoraux. D’abord parce que tout au long de la campagne électorale des mobilisations importantes ont eu lieu sur les salaires, l’emploi ou encore en solidarité avec les sans-papiers. Quel que soit la personne élue, elle devra faire face à une rue remuante. Ensuite parce que la force du vote utile ne raye pas en un tour de scrutin la gauche de la gauche de la carte : la crise sociale et politique que traverse ce pays est toujours là et l’aspiration à une autre politique sociale, écologique et anti-discrimination aussi. Enfin, parce que les rapports de force à la gauche de la gauche ne se résument pas à la présidentielle. Le petit succès d’Olivier Besancenot a peu de chance de se reproduire lors des prochaines élections législatives, régionales, municipales et européennes : c’est en tous cas la leçon de 2002. La force militante du PCF avec près de 100 000 militants reste sans commune mesure avec celle de la ligue qui compte environ 3000 membres. Mais aucun des deux partis ne dispose de la capacité fédératrice des forces mises en mouvement dans la campagne Bové. Bref, personne ne vas pulvériser personne, et il faudra bien s’entendre pour exister.

La gauche de gauche comme la gauche dans son ensemble est mal en point. Avec Nicolas Sarkozy, la droite néoconservatrice qui polarise jusqu’au FN est conquérante. La course à l’électeur bayrouiste va rendre un peu plus vrai encore ce qu’avouait déjà Michel Rocard " rien d’essentiel ne sépare plus les socialistes et les centristes ". Le PS n’est désormais plus loin de l’adieu à la gauche. La gauche de gauche, divisée, est incapable de faire face. En dépit d’un bon score, la LCR d’Olivier Besancenot n’est pas en mesure d’imposer son leadership à l’ensemble des courants. Pour véritablement compter en dessinant une alternative, la gauche de gauche devra surmonter son morcellement et se constituer en troisième pôle. Il n’y a pas le choix : s’ils ne veulent plus passer leur tour, les nains de jardin doivent s’asseoir autour de la même table

Cédric Durand


Voir en ligne : www.pressegauche.org