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CRISE AU MOYEN-ORIENT

Une défaite pour Israël, et pour la justice

Vendredi 1er septembre 2006, par Siddharth VARADARAJAN

La résolution de l’ONU est un prix de consolation pour le régime Olmert dont l’échec au Liban déjoue le plan de match israélo-américain élargi pour la région.

Lorsque Israël a attaqué le Liban en juillet, il avait deux objectifs militaires avoués, et deux autres inavoués. Les objectifs avoués consistaient en la libération inconditionnelle de deux de ses soldats capturés par le Hezbollah, et la destruction physique de la force de résistance libanaise, de son leadership et de sa structure de commandement. En ce qui a trait aux objectifs non avoués, le premier était de dégrader l’infrastructure civile du pays à un tel point que la population non chiite du Liban se revirerait contre le Hezbollah et les chiites pour avoir déclenché en ce sens la colère d’Israël sur eux. Le deuxième était de refuser à l’Iran et à ses supporteurs la chance d’ouvrir un second front à distance rapprochée contre Israël – dans l’éventualité de frappes aériennes américaines sur les installations nucléaires iraniennes.

Ces objectifs militaires font partie d’un objectif politique plus large : utiliser l’écrasante supériorité militaire d’Israël comme base de la mise en œuvre du plan Sharon-Olmert d’« accord de paix » imposé unilatéralement dans la région qui laisserait Tel-Aviv en contrôle des terres et des eaux de la Palestine, du Liban et de la Syrie, en cas de besoin.

Un jeu de blâmes prévisible

Lorsque le cessez-le-feu promis est entré en vigueur le 14 août dernier, Israël a constaté qu’aucun de ses objectifs n’avait été atteint.

Cet échec a ravivé un jeu de blâmes prévisible au sein de l’establishment militaire et politique israélien. Pourtant, les répercussions de la défaite militaire seront beaucoup plus grandes. Le régime Olmert a fait un pari audacieux en allant en guerre et l’administration Bush l’a appuyé dans l’espoir qu’un « nouveau Moyen-Orient » pourrait se construire grâce à une machine militaire qu’on croyait invincible. En écrasant ce mythe d’invincibilité et en inscrivant une victoire militaire et même morale décisive contre les Forces de défense israéliennes, le Hezbollah a complètement déjoué le programme néo-conservateur de « nouveau Moyen-Orient ».

La milice libanaise a non seulement réussi à préserver sa capacité de combattre malgré le bombardement lourd de conséquences de ses bastions dans le sud du Liban, mais elle a aussi infligé de fortes pertes à l’armée israélienne. De plus, sa capacité à lancer des roquettes Katyusha dans le nord d’Israël en riposte au bombardement israélien de zones civiles n’a pas été efficacement dégradée. L’avancée désespérée des forces israéliennes vers le fleuve Litani à la suite de l’adoption d’une résolution de cessez-le-feu par le Conseil de sécurité de l’ONU a, à elle seul, coûté la vie à plus de deux douzaines de soldats, augmentant le nombre de soldats israéliens tuées en temps de guerre à plus de 100.

Plus de 30 années de renforcement de l’occupation militaire et de lutte contre des guérilleros enfants et mal équipés ont réduit la capacité de la légendaire armée israélienne de combattre une guerre au plein sens du terme. C’est pourquoi, d’entrée de jeu, les Forces de défense israéliennes souhaitaient se fier plus ou moins exclusivement sur la puissance aérienne et déployer des forces terrestres uniquement après que le Hezbollah ait été suffisamment adouci. En revanche, l’indignation internationale soulevée par le bombardement israélien du Liban, tout particulièrement à la suite du massacre de Cana, a forcé le premier ministre Ehud Olmert et ses partisans à Washington à changer leur fusil d’épaule. Israël a réalisé qu’elle devait détacher davantage de troupes terrestres si le Hezbollah était défait. Parallèlement, elle a préféré l’option plus facile d’une force de stabilisation internationale pour venir terminer le travail à sa place.

Depuis que l’équilibre des pouvoirs au sein du Conseil de sécurité est plus décisivement en faveur d’Israël que l’équilibre militaire au sol dans le sud du Liban, la priorité de Washington est d’utiliser son poids à l’ONU afin d’amener dans la région une force militaire adéquatement armée qui pourrait poursuivre plus efficacement les objectifs de guerre de Tel-Aviv. La résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée à l’unanimité le 11 août dernier, était initialement destinée à cette fin. Sa version originale a soulevé l’indignation au Liban et dans le monde arabe. Même amendée, la résolution demeure problématique à plusieurs égards. Parallèlement, ses dispositions militaires ne répondent plus à l’objectif original israélo-américain.

Plutôt que de créer une nouvelle force de stabilisation – qui pourrait répondre par défaut aux structures de commande et de contrôle des États-Unis et de l’OTAN – le Conseil de sécurité a élargi le mandat et la taille de la FINUL, la force de maintien de la paix de l’ONU sur le terrain. Le nouveau mandat comprendra : la surveillance de la cessation des hostilités ; l’accompagnement de l’armée libanaise lors de son déploiement jusqu’à la frontière israélienne, de concert avec le retrait israélien ; l’assistance à l’armée libanaise alors qu’elle « prend les mesures nécessaires à l’établissement » d’une zone entre la frontière et le fleuve Litani exempte de forces armées non autorisées par le gouvernement libanais ; et l’assistance du gouvernement libanais, « à sa demande », dans le but d’établir un meilleur contrôle de ses frontières.

Afin de s’acquitter de ce mandat élargi, la FINUL a obtenu l’autorisation de « prendre toutes les mesures nécessaires » – une expression codée pour décrire l’utilisation d’actions militaires mêmes offensives – afin de garantir que le territoire sur lequel elle se déploie n’est « pas utilisé à des activités hostiles de quelque type que ce soit ». En d’autres mots, la FINUL serait autorisée à attaquer le Hezbollah si la milice envoyait des combattants au sud du fleuve Litani pour lancer des roquettes sur Israël. La FINUL a également reçu l’autorisation d’utiliser une force mortelle « afin de protéger les civils en cas de menace de violence physique imminente » ce qui, au moins en théorie, pourrait aussi s’appliquer à des situations telles les frappes aériennes et attaques israéliennes sur les zones civiles dont le Liban a été témoin au cours du dernier mois.

Quant à savoir si ce mandat élargi préservera la paix, cela dépend entièrement de la capacité de la FINUL à éviter de se laisser prendre dans le programme politique plus large des Américains. Si elle agit de façon professionnelle et uniquement à titre de facilitatrice pour l’armée libanaise, il n’y a aucune raison pour laquelle le Hezbollah ne collaborerait pas. Quoi qu’il en soit, le Hezbollah, avec l’accord du gouvernement libanais, est libre de conserver sa capacité militaire au nord du fleuve Litani afin de se protéger contre toute agression israélienne future.

Le problème de la résolution 1701 est qu’elle est structurée de façon à prolonger ou à raviver le conflit entre Israël et le Liban, plutôt que le résoudre dans les meilleurs délais en fonction de la raison et de la justice.

La plus importante lacune est la formulation vague de la résolution en ce qui concerne le besoin pour Israël de quitter les territoires du Liban, qu’elle occupe de force depuis plus d’un mois. Si Israël décide de ne pas se retirer tant que la force élargie de la FINUL est en place, le Hezbollah aurait toutes les raisons d’attaquer ce qui est, après tout, une armée d’occupation. Pourtant, mis à part la question immédiate du retrait israélien, la résolution ne contient aucun échéancier pour aborder les causes à la source du conflit. Israël continuera d’occuper les fermes Shebaa sur le territoire libanais, ne sera pas dans l’obligation de donner, dans un délai donné, la carte des mines terrestres posées sur le territoire libanais, ni ne sera obligée de libérer les prisonniers libanais qu’elle détient. En ce qui concerne les centaines de violations israéliennes de l’espace aérien et des eaux territoriales du Liban qui surviennent chaque année, aucun mécanisme précis de redressement n’a été créé pour garantir qu’elles ne surviendront pas de nouveau.

Omissions éclatantes

Il y a aussi d’autres émissions évidentes. Par exemple, la résolution n’oblige pas Israël à payer au Liban quelque compensation que ce soit pour la destruction intentionnelle de vies de civils et de propriété depuis le début de l’attaque le 12 juillet dernier.

À moins que la communauté internationale n’agisse sincèrement pour traiter les questions fondamentale et ne trouve un moyen d’imposer des dommages punitifs à Israël pour son utilisation complètement disproportionnée de force militaire, le problème sous-jacent ne disparaîtra jamais.