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VENEZUELA

Pourquoi nous avons perdu

Mercredi 5 décembre 2007, par VIVAS Vilma, PEREZ BORGES Stalin, GARCIA Marco, HERNANDEZ Ismael

Face aux résultats serrés en faveur du « Non » à la réforme de la Constitution, rendant possible une victoire de la droite, nous devons entamer une réflexion profonde. Elle devrait nous être utile tant pour comprendre la situation que nous vivons, que celle que nous allons affronter dans les mois à venir, dans le but de construire ce dont nous aurons besoin. Il est urgent et nécessaire de changer et d’approfondir, c’est la tache de ceux qui croyons et luttons pour un Venezuela socialiste. Il y a déjà, et il y aura dans les jours à venir, des bilans et des analyses différentes — la droite et l’impérialisme débattront de la façon de continuer à affaiblir le processus alors que les secteurs bureaucratiques essayeront de cacher leur responsabilité face à ce qui vient d’arriver. Il faut prendre ces faits en considération.

Nous qui avons fait la campagne pour le « Oui », en essayant d’approfondir le processus révolutionnaire, qui avons mis tous nos efforts pour affronter l’impérialisme, les patrons et les médias privés pendant tous ces mois, nous avons le besoin et le devoir de réfléchir profondément, de proposer, de souligner de nouveau les problèmes existants. Nous croyons qu’ils sont une des raisons de notre défaite, pour le moment. Nous voulons faire ce débat et cet échange de propositions avec les millions qui ont voté « Oui ». Et aussi avec les secteurs de base des travailleurs et pauvres du pays qui ne l’ont malheureusement pas fait mais qui n’ont rien à voir avec l’impérialisme et l’opposition.

Maintenir l’objectif socialiste et résoudre les problèmes délaissés

En premier lieu, nous croyons que toute proposition doit être faite à partir de la réaffirmation de l’actualité de la lutte pour transformer le Venezuela en un pays socialiste. Aucun des problèmes que nous avons ne peuvent être résolus dans le cadre du capitalisme qui existe encore dans notre pays. Profitant de cette défaite, de nombreux secteurs — y compris au sein même de l’appareil d’État — feront pression et essaieront de démontrer que parler de socialisme était erroné, qu’il vaut mieux négocier, freiner la marche du processus. Le président Chávez sera sûrement objet de ces pressions et nous espérons qu’il les rejettera. Car reculer dans ce domaine marquerait la défaite du processus révolutionnaire. Discutons des pas que nous pouvons faire, des mesures qu’il est nécessaire de prendre, de comment reformuler les formes partidaires, sociales et les prises de décision, afin de maintenir fermement le cap vers le pays dont nous avons besoin.

Si un secteur important des électeurs chavistes s’est abstenu, et même un secteur qui a fait l’erreur de voter « Non », cela est du à des causes profondes que nous ne pouvons ignorer. Une partie a sûrement été le fruit de la pression de la campagne médiatique de la droite et de l’impérialisme qui menaçait d’expropriations individuelles. Il est évident que le poids des médias privés et la liberté qu’ont encore les secteurs patronaux pour faire campagne aux quatre points du pays pèsent. Mais il y a aussi d’autres problèmes qui sont de la responsabilité directe du gouvernement. En premier lieu d’avoir inclus dans la proposition de réforme une concentration excessive du pouvoir dans les mains du Président (y compris la réélection infinie, le choix des vice-présidences et autres sujets) qui n’a pas été appréciée par un secteur de la population qui avait voté pour Chávez en décembre dernier.

Évidemment, pendant que se développait la campagne médiatique de la droite, d’autres contradictions se produisaient. Le gouvernement parle du projet du socialisme et de l’égalité, mais il ne résout toujours pas les problèmes sociaux cruciaux comme l’insécurité, le logement, la situation salariale de grands secteurs de la population, alors que d’autres secteurs enrichis disposent encore de grandes entreprises et maintiennent leur pouvoir économique et politique. Nous savons tous qu’il y a des conquêtes sociales très positives et que la réforme en apportait d’autres, mais les révolutions ont des lois incontournables : pour avancer, il faut prendre des mesures claires qui affaiblissent le pouvoir économique capitaliste et s’orientent en fonction des besoins sociaux. Dans ce domaine, malgré les pas importants que nous avons faits, nous sommes encore bien en deçà du nécessaire. Cette contradiction entre la campagne médiatique de la droite et les problèmes réels toujours non résolus est à l’origine des doutes, de la méfiance et de la peur dans un secteur de notre propre base sociale.

En même temps, les résultats de dimanche ont démontré qu’un grand secteur partage l’idée d’avancer vers le socialisme. Mais qu’il y a aussi du mécontentement, des doutes et des peurs face aux problèmes réels. Dans cette confrontation avec la droite et l’empire, certains secteurs, qui étaient partie prenant du processus, ont malheureusement appeler à voter « Non », ou à s’abstenir ou encore à voter nul, collaborant de fait avec la droite et sa victoire. Certains comme Podemos [1] ou Baduel [2], parce qu’ils ont tourné en faveur un projet antisocialiste. D’autres, des dirigeants syndicaux et sociaux, ont refusé à appeler à voter « Oui » par sectarisme et ont ainsi aidé à ce que la droite gagne d’une très courte tête. Il n’en reste pas moins que nous, les dirigeants syndicaux classistes et les travailleurs, nous devons nous mobiliser et conquérir dès maintenant la journée de 6 heures de travail, y compris dans le secteur informel, la sécurité du logement, la propriété de terres et d’autres mesures qui figuraient dans la proposition de réforme. Aucun révolutionnaire ni aucun classiste ne doit donc fêter le résultat de la non approbation de la réforme, mais dois voir comment nous organiser, moraliser et faire en sorte que la conscience et la lutte se développent pour obtenir les conquêtes sociales qui figuraient dans le projet de la réforme. En se souvenant que même certains opposants à cette réforme, disaient qu’on pouvait obtenir ces conquêtes sans passer par elle.

Stopper la bureaucratie et la corruption des secteurs du gouvernement et de l’État

Une structure bureaucratique et corrompue dans les gouvernements fédérés, les mairies et les ministères, est le produit des problèmes sociaux non résolus. réciproquement, elle conduit à une situation sans issue. Alors, soit on prend ce problème à la racine, soit on perd le processus révolutionnaire. Comme nous, militants de Marea Clasista y Socialista, l’avions déjà dénoncé, il est nécessaire d’en finir avec les fonctionnaires enrichis, avec ceux qui ont des liens et qui mènent des affaires avec des secteurs du pouvoir économique, avec ceux qui se promènent en Hummer et autres types de camionnettes luxueuses. Les Ministres qui attaquent les droits de la base constituent des obstacles, dont l’actuel Ministre du Travail et toute son équipe en sont l’expression la plus perverse et la plus bureaucratique. Le Président doit se concentrer sur cette situation, qui a lourdement pesé dans la décision de voter « Non » ou de s’abstenir. Tous les secteurs socialistes bolivariens confondus, nous attendons un changement profond de l’équipe de gouvernement. Ce sont ces fonctionnaires qui démoralisent la base, qui éloignent les travailleurs et les pauvres du processus. Ce sont eux qui n’ont pu convaincre certains secteurs de voter pour le « Oui », car ils indiquent quotidiennement qu’ils font tout le contraire de ce qu’ils disent.

Notre processus révolutionnaire a besoin d’un changement profond et urgent. Il le mérite. Le temps n’est plus aux changements superficiels, par ailleurs impossibles. Il faut ouvrir le débat sur les grandes décisions économiques et politiques avec les bases et avec les organisations sociales, populaires et politiques du processus. Il faut en finir avec les fonctionnaires choisis à discrétion qui n’agissent qu’en fonction de leurs intérêts personnels. Il faut réviser le rôle des Ministres et des Ministères du Pouvoir Populaire, pour que toutes les décisions prises soient débattues et décidées par les bases concernées. Comme nous l’avons déjà proposé, il faut en finir avec les salaires de fonctionnaires qui vivent comme au Venezuela Saoudite, achètent des propriétés et demeurent dans des hôtels luxueux. Cela n’a rien voir avec un projet socialiste. Depuis les bases, nous réclamons le renvoi de ces fonctionnaires inefficaces et sans scrupules. Il faut laisser la place à ceux qui travaillent pour le processus, aux véritables leaders ouvriers, populaires, paysans et étudiants qui sont partie prenante de leurs secteurs sociaux et leur reflet direct .

Il manque l’organisation des secteurs honnêtes et conséquents

Il y a longtemps que nous dénonçons ces problèmes. Pendant la campagne pour le « Oui », nous avons maintenus notre vision critique, comme l’ont fait aussi des milliers de compatriotes dans les bataillons du Parti socialiste unifié du Venezuela [3] et les mouvements sociaux. Dans toutes les manifestations pour le « Oui » on respirait l’ambiance de soutien à Chávez et au processus, combiné à une critique et à l’intuition que de grands problèmes demeurent. Nous avons pour nous d’être des milliers et des milliers qui appuyons Chávez, ensemble. Nous avons été dans les rues pour appuyer les revendications salariales, paysannes, de logement. Nous avons débattus ensemble pour savoir comment faire pour que le PSUV ne se transforme pas en un nouvel organe bureaucratique, ou quelque chose de semblable à un nouveau ministère ou mission, comme le prétendent certains secteurs de l’appareil qui contrôle le fonctionnement de ses premiers mois de vie. Nous sommes aussi un grand secteur qui avons été l’avant-garde de la campagne pour le « Oui » et nous n’allons pas accepter que le Congrès essaie maintenant de maintenir les vices bureaucratiques qui ont mené à la situation que nous vivons.

Pour sortir de cette situation et pour que le processus puisse s’approfondir, le pouvoir doit véritablement passer aux mains du peuple et de ses organisations. Le Congrès du PSUV doit se transformer en l’instance la plus démocratique dans laquelle nous pourrons tous opiner, proposer, critiquer et décider pour le mieux de la révolution bolivarienne, sans restriction ni ingérence bureaucratique qui empêchent une discussion libre. Nous avons une immense confiance qu’avec les centaines de milliers de compatriotes nous pourrons poursuivre le projet socialiste et affronter sur ce chemin n’importe quelle tentative de la droite. Mais la confiance doit aller de pair avec l’unité et l’organisation, en construisant un espace commun pour débattre de tous ces thèmes. Nous offrons la publication de Marea et nos meetings pour qu’ils soient un lieu et un outil au service de ces nécessités. Il est indispensable que les bases et les militants les plus conscients et les plus honnêtes du processus disposent d’espaces communs.

Avec les centaines de dirigeants syndicaux classistes et populaires du pays, et avec les dizaines de milliers de militants du PSUV, nous avons été là où nous devions être, avec le peuple bolivarien, affrontant l’empire et la droite en faisant l’effort maximum pour approfondir la révolution. Nous sommes satisfaits de cela. Cette tache continue d’être nécessaire et c’est pourquoi nous réaffirmons notre engagement dans le processus révolutionnaire ainsi que nos revendications de résolution des problèmes sociaux, en cherchant la façons de donner aux travailleurs et au peuple les conquêtes sociales qui étaient dans le projet de réforme. Nous répétons notre proposition de transformer le congrès du PSUV en l’instance la plus démocratique, où les bases pourront s’exprimer et décider, en dépassant la bureaucratie et le pouvoir constitué. Tous, nous devons pouvoir proposer, opiner, critiquer, c’est le besoin le plus important. Bien sûr, Chávez a le droit d’exprimer ses opinions et propositions. Mais il a aussi la responsabilité d’écouter les bases et de s’ouvrir aux changements que la réalité impose.

* Ce texte est paru d’abord sur le site web Prensa Marea Clasista y Socialista — www.aporrea.org (http://www.aporrea.org/trabajadores/a46132.html). Traduit de l’espagnol par SV. A paraître dans le n° 533 d’Inprecor.