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La relance de la solidarité avec la Palestine en France

Vendredi 26 mai 2006, par Françoise Germain-Robin

À l’instar des ONG qui refusent de servir d’alibi humanitaire au démantèlement de l’Autorité palestinienne, les acteurs de la solidarité exhortent la France et l’UE à faire face à leurs responsabilités.

L’événement n’a pas fait la une des gazettes ni des journaux télévisés français, trop occupés par les misérables petits tas de secrets de ceux qui les gouvernent.

Elle est pourtant d’importance : l’ensemble des organisations non gouvernementales engagées dans des actions de solidarité avec le peuple palestinien, et en particulier celles qui travaillent concrètement sur le terrain ont publié le 4 mai un texte qui constitue un véritable manifeste.

Rejoignant la position déjà exprimée par l’ensemble des ONG palestiniennes avec qui elles travaillent en étroite coopération et par les ONG internationales, les ONG françaises ont fermement condamné la « punition collective » que constitue la suspension de l’aide de l’Union européenne, exigé son rétablissement immédiat et annoncé qu’elles n’entendaient ni se substituer aux institutions palestiniennes désormais étranglées et paralysées par le manque de fonds, ni servir d’alibi à un démantèlement de fait de l’Autorité palestinienne auquel risque fort d’aboutir la position définie par l’UE.

Une position d’autant plus courageuse que les ONG pourraient bien, dans les mois à venir, se voir attribuer des fonds supplémentaires, dans la mesure où l’Union européenne, qui ne veut pas passer pour un affameur du peuple palestinien, cherche des moyens pour lui faire tout de même parvenir un peu d’aide.

Ainsi, explique-t-on à Première Urgence, une organisation qui recueille entre autres des fonds du programme européen Echo pour ses projets dans les territoires palestiniens, « les bailleurs, dont l’UE, risquent de faire des appels à proposition pour des projets qui se substitueront à l’administration palestinienne, par exemple la mise en place de programmes hospitaliers ou éducatifs. La raison invoquée est que l’UE ne peut plus passer de contrats directs avec les ministères palestiniens parce qu’elle a placé le Hamas sur la liste des organisations terroristes. L’UE pourrait essayer de tourner la difficulté en passant par le programme Echo, un office d’aide humanitaire qui ne traite qu’avec les ONG ».

Un glissement sémantique mais en réalité très politique vers une aide strictement « humanitaire », « un mot que je ne peux plus entendre tant il est chargé d’hypocrisie et montre la lâcheté de l’Union européenne », souligne Michèle Sibony de l’UJFP.

Un mot qui sert surtout à camoufler la pression intolérable et l’ingérence que constitue une telle politique, calquée sur celle des États-Unis et d’Israël : en somme, l’UE demanderait aux ONG de prodiguer des soins palliatifs au peuple palestinien et les paierait pour cela !

On comprend la révolte de ceux qui connaissent la situation sur le terrain et vivent au jour le jour sa dégradation continue.

C’est le cas, parmi les signataires, de Stéphanie Derozier d’Enfants du Monde Droits de l’Homme, qui revient d’une mission dans la région de Bethléem. « J’y ai constaté deux choses négatives : l’enfermement de plus en plus systématique des gens derrière le mur et l’aggravation de leur situation due à la suspension de l’aide. Cela donne des symptômes d’enfermement, de suffocation, des crises d’anxiété, constatés par notre psychologue et notre psychiatre, chez les enfants, mais aussi chez les hommes et les femmes. Notre crainte, c’est que la suspension de l’aide européenne amène à l’effondrement du système éducatif et de santé et que les gens se tournent davantage encore vers les ONG, vers nous, pour les remplacer.

Ce n’est pas notre rôle et nous n’en avons pas la capacité mais la pression risque d’être très forte. Si les travailleurs sociaux payés par l’Autorité palestinienne ne sont plus là, on sera totalement débordés. Certains bailleurs de fonds approchent déjà des ONG pour qu’elles les remplacent. Accepter cela serait contribur au démantèlement de l’Autorité palestinienne et renoncer à notre indépendance en devenant les mandataires des bailleurs de fonds. »

Une attitude ferme qui a déjà produit des résultats et contraint le gouvernement français à infléchir sa position, même si, pour la Plateforme française des ONG pour la Palestine, cela reste notoirement insuffisant, et hors de proportion avec l’urgence de la situation.

Celle-ci exige, au contraire, une solidarité accrue.

Celle-ci continue d’ailleurs à se manifester au niveau populaire et citoyen. L’exemple fourni ces derniers jours par le jumelage enfin réalisé entre la ville de Saint-Denis et le camp de réfugiés de Rafah, dans la bande de Gaza en est une preuve notoire. Après des années de contacts et de rencontre, un accord de coopération a été signé entre une délégation de ce camp, l’un des plus sinistré par l’occupation israélienne, et le maire de Saint-Denis. Une délégation arrivée à point nommé pour participer, lundi soir, à la soirée inaugurale des nombreuses manifestations prévue au programme de « Bienvenue en Palestine ». Un mois de solidarité qui devrait fournir de nombreuses occasions d’exiger du gouvernement et de l’UE un changement radical de politique.

Françoise Germain-Robin
L’Humanité