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Va-z-y Bibi, largue ta bombe !

Jeudi 6 août 2009, par Pepe Escobar

BANGKOK – La nouvelle administration de la « mollahcratie » nouvellement au pouvoir en Iran récolte déjà ce qu’elle a semé. En ce qui concerne le triumvirat de la croix de fer – le Dirigeant Suprême Ayatollah Ali Khamenei, le Président Mahmoud Ahmadinejad et le Corps des Gardes de la Révolution Iranienne (CGRI) – la « révolution verte » orchestrée par des étrangers (ainsi que la dépeint le régime) a été broyée. Mais une autre variété de lumière « verte » pointe (de façon sinistre) à l’horizon.

En ce qui concerne la direction politique à Téhéran, les poings desserrés façon Barack Obama restent – du moins pour le moment – inopportuns. Ainsi que Khamenei l’a fait comprendre une nouvelle fois en début de semaine, « Les dirigeants des pays arrogants, ceux qui s’immiscent bruyamment dans les affaires de la République Islamique, doivent savoir que peu importe si les Iraniens ont des différences qui leur sont propres, lorsque vous, les ennemis, vous impliquez, le peuple … deviendra un poing d’acier contre vous. » Ensuite, le commandant en chef du CGRI, le général de division Mohammed Ali Djafari, a fixé la (nouvelle) loi à la poigne de fer de la mollahcratie dont les termes sont sans ambiguïté. Le CGRI a littéralement pris le pouvoir en Iran et pas seulement en ce qui concerne la sécurité. Cela signifie « une renaissance de la révolution [de 1979] et la clarification des positions relatives aux valeurs de l’establishment, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger ». Ce que l’Iran et le monde voient à présent est « une nouvelle étape de la révolution et les luttes politiques ; et nous devons tous, autant que nous sommes, comprendre ses dimensions. »

« Des différences de ton »

En plein milieu de cette « nouvelle étape de la révolution » s’est immiscée l’infâme loquacité du Vice-président étasunien, Joe Biden. Biden a déclaré à la chaîne ABC : « Israël peut déterminer pour lui-même – c’est une nation souveraine – ce qui est dans son intérêt et ce qu’il décide vis-à-vis de l’Iran et de quiconque d’autre. » Et que les Etats-Unis soient d’accord ou non n’a aucune importance. Biden a bien pris garde d’ajouter : « Il n’y a aucune pression de la part de quelque nation que ce soit qui altèrera notre attitude et notre manière d’agir. » Cette attitude – en référence à la nouvelle politique des « poings desserrés » d’Obama envers l’Iran – est « dans l’intérêt national des Etats-Unis, que nous croyons être, incidemment, également dans l’intérêt d’Israël et du reste du monde. »

Biden a donc dit essentiellement deux choses. L’une : La politique des poings desserrés d’Obama est maintenue, peu importe la nouvelle nature à la poigne de fer de la mollahcratie iranienne. La deuxième : si le gouvernement du Premier ministre Benjamin « Bibi » Netanyahou veut attaquer les installations nucléaires de l’Iran, c’est leur affaire, Il n’y aura rien que Washington pourra faire. La première affirmation (qui prend ses désirs pour des réalités) est peut-être vraie pour l’essentiel. La deuxième est un non-sens. Le fait que des légions d’experts étasuniens se sentent obligées d’atteindre des sommets à la Sisyphe pour louer « l’indépendance de la prise de décision politique » par rapport à Israël quand il s’agit de l’Iran, en dit long !

Sérieusement, il n’y a pas plus ambigu que Biden. Il a laissé une « lumière verte » clignoter – refusant de « spéculer » si Israël obtiendrait ou non l’autorisation de survoler l’Irak – de la part des Etats-Unis et non du gouvernement irakien – pour attaquer l’Iran.

Le fait est là que le gouvernement de Bibi n’a pas besoin du feu vert de Washington pour attaquer l’Iran – peu importe que la Maison Blanche ou le Bureau du Vice-Président doive passer à la vitesse grand V de la propagande sur les « différences de ton » pour étouffer les spéculations sur un éventuel feu-vert. Les poings desserrés agissent ainsi : Israël et l’Iran semblent désormais enfermés dans un match face-à-face – peu importe le positionnement propre d’Obama en tant « qu’arbitre ».

Toute manœuvre intentionnelle ou non-intentionnelle de Biden ou de la Maison Blanche pour faire pression contre Téhéran au moyen d’une attaque israélienne implicite et imminente n’aura aucun effet à Téhéran. Le régime est parfaitement conscient de la manière dont le lobby d’Israël – aux Etats-Unis et en Occident en général – a mis au point une campagne très sophistiquée au fil des ans pour transformer le programme nucléaire iranien en une menace mondiale et pour dépeindre les dirigeants à Téhéran comme le nouveau visage du nazisme.

De toute façon, le régime sait pouvoir compter sur le soutien de la Russie et de la Chine. Et il sait également comment la doctrine stratégique d’ensemble des Israéliens est basée sur le fait qu’Israël est la seule puissance nucléaire (non-déclarée) au Proche-Orient et ils sont bien déterminés à le rester. Et c’est là où la puissance nucléaire rencontre l’émigration. L’émigration est le moteur du projet sioniste. Il suffit de parcourir la presse israélienne des derniers mois pour découvrir ce que l’establishment israélien déclare lui-même assez ouvertement : le véritable risque d’une présupposée bombe iranienne n’est pas la menace de destruction, mais de réduire l’émigration des Juifs [vers Israël] à zéro.

L’administration Obama semble avoir réalisé qu’il est impossible d’empêcher par la force les Iraniens d’acquérir une capacité nucléaire. Elle semble également avoir réalisé que maintenir l’illusion d’une option militaire sur la table se résume à un mensonge éhonté. Mais tout cela laisse en suspens la véritable conséquence suprême d’un Iran devenant une puissance nucléaire, du moins au yeux des dirigeants iraniens : cela serait la fin de la menace américaine qui pèse sur le pays. Sous pression et acculé, l’Iran, avec le CGRI contrôlant le programme nucléaire, irait jusqu’au bout.

Deux faits sont incontournables. Le premier est le droit inaliénable de l’Iran de maîtriser l’ensemble du cycle nucléaire civil ; le deuxième est la seule feuille de route possible pour une solution, qui repose sur le fait que l’administration Obama continue à desserrer les poings, qu’elle essaye de normaliser les relations avec l’Iran et qu’elle essaye de participer au développement du pays en compagnie de la Russie, de la Chine et de l’Inde.

Il n’y a aucune preuve que Téhéran soit prêt à accepter cette possibilité – du moins, pas encore. Mais le régime actuel ne va disparaître – comme il vient juste de le prouver – et les Etats-Unis et l’Union Européenne doivent impérativement s’asseoir à la table des négociations. Aussi imparfaite soit elle, en l’absence d’une différence de ton, c’est la seule lumière verte possible au bout du tunnel.

(Copyright 2009 - Asia Times Online Ltd, traduction JFG-QuestionsCritiques. All rights reserved.)

Asia Time Online, publié le 7 juillet 2009

article original : "Go ahead, Bibi - drop the bomb"


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