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ISRAEL - PALESTINE

Un Vietnam appelé Gaza

Mercredi 16 janvier 2008, par Yoel Marcus

Les raids israéliens contre la bande de Gaza en représailles aux tirs de roquettes Qassam ont fait, le 15 janvier, au moins dix-sept morts, dont le fils de Mahmoud Al-Zahar, dirigeant et membre fondateur du Hamas. La possibilité d’une grande offensive terrestre reste ouverte. Ce choix serait des plus hasardeux, estime le quotidien israélien Ha’Aretz.

Deux dirigeants ont courageusement tenté de nous amener, les Palestiniens et nous, à faire la paix. Et ils se sont gravement trompés. Ariel Sharon, qui avait évacué Gaza unilatéralement [à l’été 2005], sans accord avec les Palestiniens, et le président George Bush, qui avait poussé ces derniers à organiser des élections démocratiques afin d’instaurer un ordre régional stable. L’un et l’autre auraient dû se souvenir de ce célèbre proverbe : l’enfer est pavé de bonnes intentions. Sharon a voulu sevrer ses compatriotes du rêve d’un Grand Israël, il a voulu démontrer que l’Etat hébreu était capable d’évacuer des colonies, et qu’il existe un moyen accessible de parvenir à un accord pragmatique. L’évacuation de [la colonie israélienne] de Gush Katif était censée mettre les Palestiniens en appétit, les inciter à établir pacifiquement leur propre Etat aux côtés d’Israël. Bush, quant à lui, dans sa vision d’élections démocratiques, imaginait l’avènement d’un Etat palestinien qui serait un nouvel espace libéré du terrorisme et de l’influence de l’islam radical.

Les deux dirigeants se sont trompés, et salement. La victoire du Hamas aux élections [législatives de janvier 2006] a déclenché l’une des guerres civiles les plus violentes qu’ait connues notre région et a transformé Gaza en une base du terrorisme contre Israël. L’espoir que les tirs de roquettes Qassam prennent fin, que Gaza, avec ses plages superbes, se mue en une Mecque du tourisme et en une source de revenus, cet espoir a été déçu. La ville de Sderot a continué à subir les frappes de roquettes Qassam et, avec le temps, des roquettes ont également pris pour cibles la plupart des autres communautés autour de Gaza.

Depuis le tir de la première Qassam en 2001, quelque 5 900 roquettes et obus de mortier sont tombés en territoire israélien. Durant cette période, 18 Israéliens ont été tués et environ 600 blessés. Considérant que 210 personnes ont trouvé la mort dans des accidents de la circulation au cours des six derniers mois, soit 35 décès par mois, l’opinion internationale estime que les pertes causées par les tirs de Qassam depuis six ans sont négligeables, ou du moins qu’elles ne sont certainement pas assez lourdes pour justifier la Troisième Guerre mondiale.

Or il ne s’agit pas de victimes d’accidents de la route, mais d’une forme de combat qui fait vivre une ville importante d’Israël dans un état de peur perpétuelle. Les habitants de la région ont raison quand ils disent qu’aucun pays au monde ne resterait les bras croisés si l’une de ses villes était bombardée jour après jour, nuit après nuit. Quel pays accepterait une situation dans laquelle son voisin non seulement le bombarderait, mais se doterait en outre d’une force armée qui prépare ouvertement des opérations terroristes plus meurtrières que des tirs de roquettes ainsi que des enlèvements, et accroît la portée de ses armes pour toucher d’autres villes en Israël ?

Chaque jour qui passe, toute nouvelle roquette qui tombe sur notre territoire ne fait qu’aviver la volonté de l’opinion publique de voir Israël "leur en mettre une". Avi Dichter, ministre de la Sécurité publique, prévient qu’Israël est pris au piège d’une guerre d’usure. Une étude réalisée par le Centre de renseignement et d’information sur le terrorisme prédit que tôt ou tard, les organisations terroristes s’efforceront d’importer la méthode Qassam en Cisjordanie. Pour l’heure, aussi bien le ministre de la Défense Ehoud Barak que le chef d’état-major Gabi Ashkenazi freinent des quatre fers quand on évoque la possibilité d’une "grande invasion". Ils préfèrent se débrouiller avec des opérations ponctuelles dans Gaza, généralement de nuit, et des sanctions qui limitent le ravitaillement en vivres, électricité et autres produits de consommation courante. Ce faisant, c’est comme s’ils bouchaient le trou dans la digue avec le doigt. Enfin, au moins, dans l’histoire, le petit garçon parvint ainsi à éviter un désastre.

Quand on déclenche une grande opération militaire, on sait toujours comment elle va commencer, mais jamais quand ou comment on en sortira, ni combien de sang il faudra verser. Nous avons déjà eu un Vietnam, pendant la première guerre du Liban [allusion à l’invasion israélienne de juin 1982. A partir de 1985, Israël replia ses troupes depuis Beyrouth jusqu’au sud du Liban, où elles resteront jusqu’en mai 2000, date du retrait soudain – en une nuit – de l’ensemble des forces armées israéliennes]. Nous n’avons pas besoin d’un deuxième Vietnam à Gaza.

Yoel Marcus écrit dans le journal Ha’Aretz