|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > L’arc des crises > Qui est responsable de la crise ?

PALESTINE

Qui est responsable de la crise ?

Dimanche 17 décembre 2006, par Pierre BEAUDET

Les affrontements interpalestiniens que le gouvernement israélien espérait depuis déjà plusieurs années s’intensifient depuis quelques jours. Du côté palestinien, il n’y aura pas de gagnant dans ce jeu dangereux.

Déjà au moment des accords d’Oslo, Israël et les États-Unis avaient demandé des leaders palestiniens « modérés » à commencer par Yasser Arafat d’« épurer » leurs rangs et d’éliminer les indésirables, bref de faire à leur place le boulot qu’ils n’avaient jamais pu faire eux-mêmes. Arafat avait eu l’intelligence de refuser ce rôle de fossoyeur de son propre peuple et quand cela devint clair, il fut lui-même éliminé par Israël. Mais aujourd’hui l’ineffable Mahmoud Abbas qui lui a succédé semble tenté par l’aventure.

Rêve colonial

L’immense majorité du peuple palestinien est résolument hostile à ce projet, mais ce n’est pas parce qu’ils aiment Hamas. La rue palestinienne le sait et le sent très bien, si les dominants décident aujourd’hui d’éradiquer Hamas, demain ce sera le Front populaire et après demain le Fatah lui-même. Au bout de la ligne, le leadership dans son entièreté aura été vaincu. Israël et les Etats-Unis n’ont rien contre Hamas en soi –ils ont coopté dans le passé des mouvements islamiques. Ce qu’ils veulent dans ce bras de fer interpalestinien, c’est de briser l’identité palestinienne et de transformer un groupe en gendarmes, en collaborateurs affichés, en pétainistes.

Consternant parcours du mouvement palestinien

Une fois les responsabilités coloniales clairement identifiées, il reste à comprendre d’autres facteurs. Arafat lui-même en embarquant dans le processus d’Oslo avait déjà affaibli la capacité de résistance qui avait pris la forme de l’intifada de 1987. La corruption et la manipulation érigées en système politique par la suite n’ont pas aidé la cause en délégitimant le leadership palestinien. Et c’est ce qui a conduit la victoire électorale de Hamas en 2005. Le mouvement islamiste a fait oublié son projet en se présentant comme celui qui allait mettre de l’ordre dans la maison palestinienne. Rêve insensé, dans un contexte où ce projet ne peut vraiment construire une nouvelle hégémonie, compte tenu de son parcours, de ses pratiques, de ses alliances. Par ailleurs sur le plan tactique, la militarisation de la lutte, notamment les attentats-suicide contre des civils israéliens, a été une grave erreur. D’un côté comme de l’autre, le peuple palestinien ne se retrouve plus.

Criminalisation

Depuis longtemps, cette malgestion surtout du côté du Fatah s’est vue manipulée par les ennemis du peuple palestinien qui ont encouragé la dégénérescence du mouvement sous l’égide de personnages controversés comme Mohamed Dahlan, le « chef » des milices de Fatah à Gaza. Israël et les Etats-Unis qui décrient la corruption ont évidemment bien vu leur intérêt en appuyant des éléments criminels qui aujourd’hui, sont prêts à aller jusqu’au bout pour imposer leur pouvoir. Hamas qui n’est pas sous le contrôle d’éléments corrompus d’une telle nature a le malheur de répondre du tac au tac, en provoquant des affrontements dont les premières victimes sont des civils.

Réunifier mais aussi réformer le mouvement

Les éléments sains du leadership qui représentent les aspirations de la grande majorité de la population appellent à constituer un gouvernement d’unité nationale, comme l’ont fait il y a quelques mois les prisonniers de toutes les factions à l’initiative de Marwan Barghouti (Fatah). La gauche palestinienne qui a déjà connu de meilleurs jours (Front populaire, Front démocratique, Parti du peuple) s’efforce également de promouvoir cette cause. C’est un discours courageux, mais est-il suffisant ? Sans réforme fondamentale du mouvement national palestinien, ce qui implique des ruptures douloureuses avec un passé dont on ne parvient pas à se dégager, ces propositions raisonnables risquent de demeurer lettre morte. Les convulsions du mouvement, notamment de Fatah, vont au-delà des « mauvais dirigeants » dont il est affligé, mais se réfèrent aussi à une certaine sociologie organisationnelle dominée par les chefs et les appareils. Une « révolution dans la révolution » pourrait être nécessaire, en autant qu’elle s’ancre dans les nouvelles générations de la résistance qui se cherchent un langage politique approprié où l’objectif de l’État national palestiniens se conjuguerait à ceux de la justice sociale et de la démocratie.