|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > L’arc des crises > Négocier ou ramper sur les genoux ?

PALESTINE - ISRAEL

Négocier ou ramper sur les genoux ?

Mercredi 3 octobre 2007, par Khalid Amayreh - Al Ahram Weekly

La mise en place de la « conférence pour la paix » use les genoux d’Abbas, écrit Khaled Aymareh.

Sauf à réitérer les mêmes éternelles platitudes au sujet de l’engagement des Etats-Unis pour un état palestinien vivant côte à côte avec Israël, la secrétaire d’état américaine Condoleezza Rice a amené très peu de choses avec elle lors de sa dernière visite dans la région cette semaine. S’exprimant souvent en tant qu’observatrice éloignée de la scène plutôt qu’en honnête sponsor réellement impliqué, Rice a parlé de ce qui « devrait », « pouvait » et « pourrait » être réalisé à la conférence régionale et internationale pour la paix prévue à Washington en novembre.

La phraséologie utilisée, manquant d’assurance et de certitude, laissait percevoir qu’elle-même ne savait pas vraiment si la conférence serait un succès ou un échec. En effet, sa fréquente référence au « deux côtés » (Israël et l’Autorité Palestinienne [PA]) donnait l’impression que la clé pour une conférence réussie ne dépendait pas de l’administration Bush mais carrément du premier ministre israélien Ehud Olmert. Olmert déclarait ce lundi [24 septembre] que l’objectif de la réunion à venir à Washington ne devrait pas être de faire la paix mais plutôt de créer un environnement favorable incitant à travailler pour la paix. Pour les Palestiniens, cette tergiversation ne contient qu’un unique message, à savoir qu’Israël n’est pas intéressé par un véritable accord de paix avec eux, et particulièrement un accord qui mettrait un terme aux 40 années d’occupation de la Cisjordanie, de Gaza, et de Jérusalem-est.

En effet, à moins de six semaines de la conférence de novembre il semble que pratiquement aucun progrès notable n’ait été accompli dans le cadre des entretiens tellement promotionnés entre Olmert et le Président de l’AP Mahmoud Abbas. Comme un responsable palestinien contrarié l’a admis à Ramallah, les entretiens ont montré qu’Abbas et Olmert étaient en plein malentendu. « Ces entretiens sont un échec total. Le Président Abbas a voulu un accord concret sur les questions centrales, à savoir la fin de l’occupation, mais Olmert tergiverse, chicane et bavarde au sujet du Hamas, des extrémistes et des gestes de bonne volonté israéliens. »

La semaine dernière, des officiels dans Ramallah ont averti que l’AP ne pourrait pas participer à la conférence s’il s’avérait que ce serait juste « une occasion de parler ». Cet avertissement a surtout été interprété comme une tactique désespérée visant à obtenir de l’administration Bush qu’elle presse Israël de traiter les questions liées au tatut final, afin d’augmenter le soutien du public palestinien à Abbas, particulièrement face au Hamas.

Il est intéressant de noter que les avertissements issus de Ramallah et venant d’une « autorité » dont la survie dépend presque totalement du bon vouloir israélien et américain ont été rapidement écartés plus tôt cette semaine quand la secrétaire d’état américaine a expliqué à profusion qu’elle se lavait les mains de toute responsabilité et que c’était aux deux côtés et pas à l’administration de Bush de garantir que la conférence ne se transforme pas en simple parlotte.

La quasi-totale dépendance de l’AP vis-à-vis des Américains pour qu’un extrêmement parcimonieux Israël soit mieux disposé en ce qui concerne les questions centrales a déjà conduit la direction de l’AP « à prier » plutôt qu’à « exiger » le bon vouloir israélien. Mais, pour la plupart des Palestiniens et Arabes, « Israël » et le « bon vouloir » sont des oxymores qui ne devraient pas être employés dans la même respiration.

En outre, avec l’année électorale qui s’annonce aux Etats-Unis, l’administration de Bush sera en position défavorable pour exercer des pressions sur Israël [...]. Le 24 septembre, Abbas, dont le principal capital de négociation a été la répression appliquée sur le Hamas en Cisjordanie, a obtenu au cours de sa réunion avec le Président George Bush à la Maison Blanche une idée claire de ce que sera la position américaine générale. Bush a répété les mêmes vieux mots éculés au sujet de son engagement vis-à-vis de la création d’un état palestinien, laissant les détails aux entretiens bilatéraux entre les Palestiniens et leur occupant. « Je soutiens fortement la création d’un état palestinien. Je crois qu’il est dans l’intérêt des Palestiniens, je crois qu’il est dans l’intérêt d’Israël d’avoir une démocratie vivant à ses côtés. Des démocraties vivant côte à côte dans la paix, » a indiqué Bush.

Bush a loué avec reconnaissance Abbas pour avoir « combattu les extrémistes », une allusion claire au Hamas, mais n’a pas dit un seul mot au sujet des droits et des revendications des Palestiniens comme si ceux-ci disposaient déjà d’un état et comme si tout ce dont ils avaient besoin était de tirer une démocratie de cet état imaginaire. Cette démocratie devrait naturellement être taillée et formée selon le goût et l’humeur des américains, car dans le cas contraire une démocratie palestinienne non conforme serait ciblée, boycottée et étranglée, comme l’a été de façon si flagrante le gouvernement du Hamas pourtant élu démocratiquement.

Les perspectives déprimantes d’une conférence que presque tout le monde anticipe comme un échec à venir ont déjà incité les dirigeants palestiniens à analyser la position que l’AP devra assumer après cet échec probable. Fares Qaddura, un dirigeant du Fatah, a expliqué que la direction du Fatah devrait renouer des entretiens en vue d’une réconciliation avec le Hamas juste après la conférence. « Je crois que le dialogue entre les deux mouvements [le Fatah et le Hamas] est un choix obligé mais moi je pense que ce dialogue sera retardé jusqu’à après la conférence de cet automne, » a dit Fares qui est membre du comité central du Fatah et un proche confident du dirigeant emprisonné Marwan Barghouti, que beaucoup voeint comme le prochain sucesseur d’Abbas comme président de l’AP.

Fares a prévenu que le Fatah devrait reconsidérer son attitude hostile vis-à-vis du Hamas si la conférence ne produisait pas de résultats concrets en ce qui concerne la mise en place d’un état palestinien. Cependant, comme il est dit plus haut, il est peu probable que l’utilisation du conflit en cours entre le Fatah et le Hamas comme moyen de pression sur Israël puisse fonctionner, vu ce que l’on connait du gouvernement israélien.

Une frustration encore plus grande a été manifestée par d’autres factions dans l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP). Jamil Majdalawi, un député représentant le Front populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) a déclaré à ‘Al Ahram Weekly’ : « c’est une évidence que la conférence sera un échec. Je pense que nous avons besoin d’une stratégie qui nous sauverait de notre état d’impuissance et de la confiance manifestée dans un changement américain au niveau de l’esprit et du coeur qui ne se produira jamais. » Tout en critiquant la prise de contrôle « militaire » du Hamas dans Gaza, le dirigeant du FPLP a prévenu que « ce serait une grande erreur que d’aller à la conférence de Washington dans un état de profonde division. »

De son côté le Hamas a invité Abbas à ne pas nuire aux intérêts nationaux palestiniens en permettant aux Américains et à Israël de donner une fausse impression au sujet d’un processus de paix qui n’existe pas en réalité. « La cause palestinienne a tout à perdre dans ces réunions stériles avec les israéliens et les américains. Abbas doit comprendre la futilité qu’il y a à compter sur les Etats-Unis pour amener Israël à reconnaître les droits des Palestiniens, » a déclalé Sami Abu Zuhri, porte-parole du Hamas dans Gaza.

La désillusion grandissante des Palestiniens vis-à-vis de Washington et naturellement vis-à-vis d’Israël semble complètement justifiée. Israël, de façon de plus en plus évidente en est arrivé à considérer Abbas --- au moins en privé --- comme une marionnette. Cette semaine, et sous ce titre même, l’analyste israélien Gideon Lévy a écrit qu’Abbas ne devrait pas aller à Washington. « Ses rencontres avec Ehoud Olmert tournent progressivement à l’humiliation pour son peuple : rien de bon n’en sortira. Le spectacle des visites amicales du dirigeant palestinien à Jérusalem est devenu insupportable à la conscience, avec ce déluge de baisers sur la joue de l’épouse d’un Premier ministre qui menace, dans le même temps, d’imposer le blocus à un million et demi de personnes appartenant à son peuple, de les plonger dans le noir et de les affamer. »

Lévy, écrivant dans ‘Haaretz’, a aussi réprimandé Abbas pour les subsides reçus d’Israël et des Etats-Unis et pour ne pas avoir le courage de faire front à l’arrogance et à l’insolence du gouvernement d’Olmert. « Si Abou Mazen était un vrai leader national, et pas un petit revendeur, il devrait annoncer qu’il n’y aura ni conférence ni rencontres tant que le blocus de Gaza ne sera pas levé. S’il était doté d’une stature historique, il ajouterait qu’il n’y aura de conférence que si Ismaïl Haniyeh en est. Lui aussi représente les Palestiniens. Et si Israël voulait vraiment la paix et pas simplement avec un dirigeant fantoche un ‘accord de principes’ ne menant à rien, il s’empresserait de respecter cette exigence. »

Traduction : Claude Zurbach


Voir en ligne : http://weekly.ahram.org.eg