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NÉPAL

Les rebelles maoïstes ont troqué le fusil pour le bulletin de vote

Jeudi 10 avril 2008, par Pierre ROUSSET

Le gamin est vêtu d’un tee-shirt à l’effigie de Mickey, mais il a le front ceint d’un bandeau frappé de l’étoile rouge. Bienvenue chez les maoïstes népalais ! A 75 km à l’est de Katmandou, le village de Pachkhal s’agrippe au flanc d’une colline boisée. On y croise des villageois courbés sous des hottes de foin. En contrebas, les champs de pommes de terre et de concombres s’étagent en terrasses.

Le pays des maoïstes n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il était lors des combats qui ont fait rage ici jusqu’en 2006, année où la paix a été signée. Les anciens rebelles ont troqué le fusil pour le bulletin de vote. A quelques jours de l’élection pour l’Assemblée constituante, jeudi 10 avril, qui devrait ouvrir la voie à l’abolition de la monarchie - vieille de deux cent trente-neuf ans - et à l’instauration d’une République fédérale, un calme bien étrange règne dans cet arrière-pays à la végétation luxuriante.

Les maoïstes ont-ils vraiment changé ? Leur ralliement à la démocratie parlementaire est-il sincère ? A observer Tej Bahadur Nijar, ancien commissaire politique de la troisième division de l’Armée de libération du peuple (ALP) et candidat en campagne du Parti communiste népalais maoïste (CPN-M), on pourrait le croire. « Je prenais les décisions d’attaquer, de défendre », dit Tej Bahadur Nijar à propos de son passé de combattant.

Appartenant à la tribu des Magar, il explique son engagement dans les rangs maoïstes par une révolte contre l’état d’arriération imposé aux tribus et castes inférieures au Népal. « Sous l’hindouisme et le féodalisme, le peuple ne peut se développer au plan social, économique et politique, dit-il. Il n’y aura pas de changements sans un travail révolutionnaire. »

Le discours est bien rodé. Il dénonce les autres partis, en particulier le Parti du Congrès népalais (NC), qui « achète les voix avec de l’argent ». Et fustige l’Inde et les Etats-Unis qui « s’ingèrent » dans les affaires népalaises pour saper l’influence des maoïstes.

GUERRE DES NERFS

Au creux de la vallée, la kermesse électorale bat son plein. Deux groupes se croisent, un rien crispés, au coeur même du village. D’un côté, une procession de motos chevauchées par des militants maoïstes, drapeau rouge claquant au vent. De l’autre, des familles inscrites au Parti communiste-marxiste léniniste unifié (CPM-UML) se dirigent vers une aire d’herbe sèche où leurs dirigeants locaux tiennent meeting.

Entre les maoïstes et les « UML », c’est la guerre des nerfs. « Nous sommes des communistes, mais modernes et réalistes, partisans de la démocratie pluraliste », résume Bidur Sakopta, un chef local des « UML ». Ce jour-là, il n’y a pas eu d’incident à Pachkhal, mais les pugilats entre les deux partis sont fréquents dans d’autres localités, où l’on relève souvent des blessés. « Les maoïstes exercent des pressions sur des familles de villageois », dénonce Bidur Sakopta. Shiva, un militant UML, témoigne : « Un cadre maoïste m’a ordonné de ne pas m’impliquer dans la campagne de mon parti, sinon il me tuerait après les élections. »

Selon leurs adversaires, les maoïstes expliqueraient à la population qu’ils ont les moyens technologiques d’identifier leur vote grâce à des instruments de vision perfectionnés. « Face à cette intoxication, raconte Shiva, on dit aux gens que ces instruments de vision n’existent pas. » La rumeur sur les longues-vues maoïstes perturbera-t-elle le scrutin ?