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Les enjeux de la démocratisation au Népal

Mardi 30 mai 2006, par Siddharth VARADARAJAN

Depuis le triomphe de l’insurrection, le peuple népalais est en liesse. Mais plusieurs obstacles demeurent sur le chemin de la démocratie.

De tous les coins du pays, ils sont venus en masse. C’est le 28 avril et aujourd’hui, le Parlement se réunit pour la première fois depuis sa restauration par décret royal. Dans les rues, les marginaux, les sans-voix veulent se faire entendre. De l’ouest du pays, les Magar Mahila Sangh, réclament la fin du « royaume hindou » et son remplacement par un État laïc. Du nord, les Sherpa Sangh veulent voter rapidement pour une assemblée constituante. De l’est, les des Gurungs et les Newars, les Rais et les Limbus. De la capitale, une masse de jeunes étudiants, et aussi de dalits. Et mêlés dans la foule, les leaders connus de la société civile, les Devendra Raj Panday, Krishna Khanal, Shyam Shreshta, Krishna Pahadi, Kanak Mani Dixit et d’autres.

Aujourd’hui, le processus est en marche. Les élections pour l’assemblée constituante ont été annoncées par le nouveau gouvernement présidé par le leader du Parti du Congrès, Koirala. Le cessez-le-feu a été reconduit tant par le gouvernement que par les Maoïstes. On s’attend à ce que les leaders maoïstes détenus par l’État soient libérés prochainement. En dépit de ces avancées, beaucoup d’obstacles confrontent le processus de réconciliation.

Dépasser la constitution actuelle

La première épreuve est que le Parlement doit amender la constitution de 1990, qui établit la monarchie comme fondation de l’état. Cette clause doit être amendée au profit du concept de souveraineté populaire et sans cela, il est à craindre que les appareils judiciaires, encore dominés par des royalistes, ne fassent dérailler le processus.

Confiner l’armée

Le général Pyar Jung Thapa, commandant en chef de l’armée royale, a joué le jeu en faisant pression sur le roi et en reconnaissant le nouveau gouvernement. Mais son second, le lieutenant-général, Rukmangat Katuwal, reste très proche du palais. Pour que la situation ne dérape pas, il faut compter sur les pressions de la communauté internationale.

Des élections inclusives

Les élections pour l’assemblée constituante ne sont pas une élection ordinaire. Il faut assurer la participation des communautés ethnolinguistiques, des régions périphériques, des minorités religieuses, des Dalits, des femmes et des jeunes. Chacun doit être représenté d’une manière équitable, sans non plus tomber dans le piège de créer des catégories ethniques ou communautaires. D’emblée, compte tenu de la dispersion de la population entre les régions et les ethnies, on peut penser qu’il sera nécessaire de délimiter à nouveau les constituantes et augmenter le nombre de sièges.

Démilitariser

Une fois que tout le monde se sera entendu sur les modalités des élections, il faudra confiner les forces armées. Les Maoïstes disent qu’ils sont prêts à placer leurs combattants dans des camps sous supervision internationale si l’armée fait de même. Normalement comme cela a été le cas en Angola, au Cambodge, au Timor oriental, c’est l’ONU qui devrait faire ce travail.

Éviter l’émiettement

Le roi Gyanendra va probablement tenter d’utiliser les clivages gauche-droite pour faire dérailler les élections ou les influencer en sa faveur. À droite, le Parti du Congrès craint une coalition entre la gauche légale et les Maoïstes. Mais entre cette gauche légale et les Maoïstes, il y a également des tensions. Compte tenu de l’histoire mouvementée des mouvements de gauche au Népal et en Asie, on peut craindre aussi des conflits internes entre « modérés » et « radicaux ». À date cependant, les Maoïstes sous la gouverne de leur Président Prachanda semblent unis et disciplinés. Une solution serait de constituer un gouvernement d’unité nationale avec tous les partis y compris les Maoïstes, au moins pour la période intérimaire jusqu’à la proclamation d’une nouvelle constitution.

Comment élaborer une nouvelle constitution

Après l’indépendance en Inde, cela a pris quatre ans pour que les Parlementaires s’entendent. Les Népalais n’auront peut-être pas ce temps ce luxe. Ils devront faire également à une réalité où les différences sont marquées entre les régions et les groupes ethnolinguistiques. Les minorités, de même que les Maoïstes, veulent un fédéralisme assez décentralisé.On parle de créer de nouvelles institutions politiques inclusives, mettant l’emphase sur la participation citoyenne, le respect des droits économiques et sociaux dans des domaines comme l’éducation, l’emploi, la santé, le logement. Il faudra du temps pour élaborer cela.

Transformer l’armée

La question de l’armée sera certainement au cœur du processus.Certains comme Shyam Shreshta, l’éditeur de l’hebdomadaire Mulyankan voudraient une armée à la « suisse », défensive et citoyenne. D’autres soulignent la difficulté d’intégrer l’armée maoïste avec l’armée nationale et de démobiliser un grand nombre de combattants.

Devant tout cela, la démocratisation du Népal se présente comme un grand défi.

Traduit et abrégé de l’original publié dans Frontline, 6 mai 2006 (vol.23, no.9)


Voir en ligne : http://www.hinduonnet.com/fline/