|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > L’arc des crises > Le renouveau ou la mort

Le renouveau ou la mort

Lundi 10 août 2009, par Abir Taleb

publié le vendredi 7 août 2009

Le Fatah a entamé mardi à Bethléem son 6e congrès. Trois jours durant, les quelques 2 000 délégués se pencheront sur des questions clés comme la restructuration du mouvement, les luttes interpalestiniennes et la relation avec l’Etat hébreu.

C’est dans un contexte des plus difficiles mais aussi un contexte nouveau que s’est ouvert mardi à Bethléem le 6e congrès du Fatah, le premier depuis 20 ans et le premier tenu en territoire palestinien. Mais avec une direction minée par les divisions, affaiblie par sa déroute face aux islamistes du Hamas à Gaza, et avec un processus de paix au point mort, la tâche s’annonce difficile. Et les défis grandioses. Il s’agit donc d’une rencontre cruciale, voire historique. Soit le Fatah se montre capable d’opérer les réformes, le rajeunissement et les changements nécessaires, soit il poursuit son déclin et devient simplement le parti de l’Autorité palestinienne, sans avoir réalisé ses objectifs de libération nationale [1]. Et dans ce cas, les divisions palestino-palestiniennes s’accroîtront, que ce soit au sein du Fatah lui-même ou entre ce dernier et le Hamas.

D’ores et déjà, à la veille du congrès, le climat s’est tendu un peu plus entre ces deux partis, le Hamas ayant interdit aux membres du Fatah basés dans la bande de Gaza de se rendre en Cisjordanie. Sur ces quelques 400 membres du Fatah, seulEs une douzaine a réussi à se rendre à Bethléem. Et le Hamas a annoncé que ceux-ci seraient traduits en justice « dès leur retour » pour avoir bravé l’interdiction imposée par le mouvement islamiste de quitter la bande de Gaza. Le Hamas, qui contrôle ce territoire, exigeait au préalable la libération de ses prisonniers détenus par l’Autorité palestinienne comme condition à un feu vert à la participation des délégués du Fatah de la bande de Gaza à leur congrès. Une condition qualifiée de provocation par le mouvement du président Mahmoud Abbass. Une fois de plus donc, aucun accord n’a été obtenu entre les deux parties. Et le ton est monté : un responsable du Fatah a menacé le Hamas de nouvelles arrestations. Cette menace « ne réussira pas » à ébranler le Hamas, a rétorqué un de ses leaders, Sami Abou-Zourhi. Réplique de Raëd Radouane, responsable du Fatah à Ramallah, l’attitude du Hamas enfonce « le dernier clou dans le cercueil du dialogue » entre les deux mouvements en cours au Caire depuis des mois et qui doit reprendre le 25 août. Un dialogue qu’Ismaïl Haniyeh, dirigeant du Hamas, a tout simplement menacé de boycotter si le Fatah ne libérait pas des partisans du mouvement islamiste détenus en Cisjordanie.

L’épreuve ne fait que confirmer un peu plus, voire approfondir, les divisions entre le Fatah et le Hamas, qui sont à couteaux tirés depuis que le Hamas s’est emparé de la bande de Gaza en juin 2007, délogeant les forces loyales à M. Abbass après dix-huit mois de coexistence houleuse au pouvoir.

Clivages internes

Mais il ne s’agit pas que de cela. Au sein du Fatah également, ce n’est pas le beau temps. Le mouvement est parcouru par des clivages internes concernant la conduite des négociations avec Israël, le degré d’activisme à observer vis-à-vis de l’Etat juif, la démocratie interne et le renouvellement générationnel.

Le principal clivage interne oppose les réformistes, issus de la lutte armée sur le terrain, puis de la négociation avec Israël, à l’« establishment » privilégié de la diaspora, qui n’est revenu en Palestine qu’à la suite des accords d’autonomie conclus à Oslo en 1993. Tout-puissant du temps de Yasser Arafat, le Fatah a commencé à se lézarder après sa mort en novembre 2004, faisant le lit du Hamas, qui a remporté en 2006 la majorité absolue au Conseil législatif palestinien, ouvrant une ère d’affrontement entre les deux « frères ennemis ». Le Fatah est aussi tenu par beaucoup de Palestiniens pour responsable de la corruption et de l’insécurité qui ont sévi dans les territoires palestiniens, avant que l’Autorité palestinienne ne se décide à les combattre sérieusement ces dernières années. Le mouvement nationaliste cherche ainsi à retrouver quelque crédibilité aux yeux des Palestiniens, qui lui reprochent aussi le maigre résultat des concessions successives faites à Israël durant les négociations passées.

En effet, aujourd’hui, le Fatah ne contrôle que la Cisjordanie et sa ligne politique prônant un règlement négocié du conflit avec Israël après des années de lutte armée ne cesse de perdre en crédibilité, faute de progrès dans les négociations de paix. Au cours de ce congrès de trois jours, les quelques 2 000 délégués doivent renouveler le Comité central et le Conseil révolutionnaire, principales instances du Fatah, et adopter un nouveau programme politique. Si le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbass est assuré d’être reconduit comme chef du mouvement, la composition du nouveau Comité central de 21 membres, qui seront élus par les délégués, fait l’objet de toutes sortes de pronostics. Ainsi, une partie des « éléphants » qui font partie de l’actuel Comité central, devraient céder la place à des plus jeunes. Le secrétaire du général du Fatah en Cisjordanie emprisonné en Israël, Marwan Barghouthi, l’ex-chef de la Sécurité préventive, Jibril Rajoub, l’ex-homme fort du Fatah à Gaza et « chouchou » des Américains, Mohammad Dahlane, apparaissent comme les prétendants les plus sérieux. Quant au Conseil révolutionnaire, il compte 120 membres, dont la majorité sera élue par les délégués et le reste désigné par le nouveau Comité central.

A cela s’ajoutent les querelles entre les ténors du Fatah qui ont contribué au déclin du mouvement et qui se sont exacerbées ces dernières semaines lorsque son secrétaire général et l’un des fondateurs du parti, Farouq Qaddoumi, a publiquement accusé M. Abbass d’avoir comploté avec Israël pour éliminer Yasser Arafat.

Garder l’essence du texte fondateur

Reste la question d’un nouveau programme politique. Selon des responsables du parti, le Fatah du président de l’Autorité palestinienne devrait approuver la solution à deux Etats, mais ne pas exclure la possibilité d’une « lutte armée » contre Israël, ni l’éventualité d’une déclaration unilatérale de création de l’Etat palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Le texte fondateur du Fatah, créé en 1965 par Yasser Arafat, appelle à la lutte armée « jusqu’à ce que l’entité sioniste soit supprimée et la Palestine libérée ». Pour Nabil Chaath, vétéran du Comité central du Fatah, la charte « ne peut pas être modifiée ». « Elle restera en l’état. Cela ne sera pas sujet à discussion », a abondé Azzam Al-Ahmad, autre haut dirigeant du mouvement. Cependant, le projet de nouveau programme préconise de nouvelles formes de résistance, notamment la désobéissance civile contre les implantations juives en Cisjordanie occupée ou la barrière de sécurité érigée par Israël. Le président de l’Autorité palestinienne s’est retiré des pourparlers de paix avec l’Etat juif après l’offensive des forces israéliennes en décembre et janvier derniers dans la bande de Gaza. Les discussions ne reprendront que si le gouvernement de Benyamin Netanyahu accepte de geler les activités de colonisation, a déjà prévenu Mahmoud Abbass, soutenu en ce sens par les Etats-Unis et l’Europe. Aussi, le projet du programme politique réaffirme le « refus de reconnaître Israël en tant qu’Etat juif », comme l’a exigé M. Netanyahu. Le programme du Fatah affirme en outre la volonté des Palestiniens de « reprendre l’initiative afin de sortir les négociations de paix de l’impasse, soulignant que la base des négociations avec Israël doit être l’initiative de paix arabe ». « Nous espérons que nos voisins nous permettront d’arriver à la paix pour construire l’avenir de notre Etat qui vivra aux côtés de leur Etat dans la paix et la sécurité », a dit Abbass à la veille du congrès. Mais à ce sujet, rien n’est à espérer avec l’actuel gouvernement israélien. Pour les Palestiniens, le plus important est plutôt de rassembler leurs rangs, au sein du Fatah et avec les autres factions. Faute de quoi une implosion interne aux conséquences fatales sera inévitable .


[1] voir aussi :

A l’origine, la lutte armée

Mouvement nationaliste palestinien, créé en 1957 par des Palestiniens exilés au Koweït sous la houlette du dirigeant Yasser Arafat, le Fatah n’est apparu en plein jour qu’en 1959. Il commence ses actions armées contre Israël en janvier 1965. Après la Naksa (la guerre de 1967), les nombreux réfugiés dans les pays voisins à cause de l’occupation israélienne favorisent le développement du Fatah, qui adhère à l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) en 1968, et dont il devient le bras armé. Dès 1969, Yasser Arafat assume la direction de l’OLP et le Fatah devient l’organisation la plus importante de l’OLP.

Les actions armées du Fatah à partir du territoire jordanien et les représailles israéliennes dès 1968 créent des tensions entre les Palestiniens et le gouvernement jordanien. En septembre 1970, l’expulsion des Palestiniens de Jordanie donne lieu à des affrontements sanglants entre l’armée jordanienne et le Fatah dans la vallée du Jourdain. Les Palestiniens sont alors contraints de s’établir au Liban. La surveillance des frontières et les représailles israéliennes poussent le Fatah à recourir aux actions armées internationales dès 1971. La stratégie terroriste du Fatah est infléchie en 1973 par Yasser Arafat, afin d’obtenir une reconnaissance internationale à travers les processus de paix qui se développent sous l’impulsion des pays occidentaux. Pour améliorer l’image du Fatah à l’égard de ces derniers, Yasser Arafat décide de limiter les activités dites terroristes à la zone du Moyen-Orient (Liban, Israël et les territoires occupés).

La lutte d’influence qui suit l’opération israélienne contre le Liban contraint le Fatah à fuir le Liban et à se disperser entre la Tunisie, l’Algérie, l’Iraq et le Yémen. Son quartier général est établi à Tunis à la fin 1982. Le raid aérien israélien du 1er octobre 1985 contre le quartier général du Fatah à Tunis oblige l’organisation palestinienne à se décentraliser.

Jusqu’à la Guerre du Golfe, le Fatah était soutenu financièrement par les pays arabes modérés comme l’Arabie saoudite et le Koweït. Le rapprochement opportuniste entre Yasser Arafat et Saddam Hussein a conduit à l’interruption de cet appui financier. Cette situation a certainement joué un rôle important dans le rapprochement israélo-palestinien. Le Fatah a également reçu un soutien matériel de l’ex-URSS, de la Tchécoslovaquie, de la Chine populaire et de la Corée du Nord.

Il se compose de plusieurs cellules et de plusieurs brigades qui étaient implantées dans plusieurs pays d’accueil. A la suite de l’accord israélo-palestinien, ces brigades ont été en partie rapatriées dans la bande de Gaza et à Jéricho afin d’y former la base des forces de sécurité palestiniennes.

al-Ahram


publié par al-Ahram hebdo en français

http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahra...


Voir en ligne : http://www.france-palestine.org/art...