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PAKISTAN

Le jeu dangereux de l’administration Bush

Mardi 20 novembre 2007, par Ivan Eland

« Le premier pas en direction d’une politique plus habile dans la région serait de reconnaître que les USA sont une partie du problème. » Ivan Eland considère que le soutien ostensible apporté par les USA à ses alliés au pouvoir dans la région contribue à les fragiliser encore plus. Il est temps de se désengager, suggère-t-il, pour que les modérés conservent leurs chances.

Le président pakistanais Pervez Mucharraf est désormais au bord de l’abîme. C’est la politique américaine qui est responsable de cette situation de crise qui menace le régime d’un pays doté de l’arme nucléaire.

Afin d’empêcher la Cour Suprême de le déclarer inéligible à la fonction de président après sa victoire lors d’une élection douteuse, l’autocrate Mucharraf a promulgué la loi martiale et démis le président de l’autorité judiciaire.

Bien qu’il ait réclamé à Mucharraf de définir la date de la fin de l’état d’urgence, de tenir des élections, et d’abandonner son poste de chef des armées, le président Bush poursuit l’aide américaine au Pakistan et a récemment décrit le président pakistanais comme un allié nécessaire dans le combat contre Al Qaida.

Ces manifestations de soutien ont renforcé le régime agonisant du général. Mucharraf a fixé la date de l’élection du parlement à janvier 2008, mais elles pourront difficilement être tenues librement, à moins que l’état d’urgence ne soit levé d’ici là.

Pendant ce temps, la population s’enflamme contre le dictateur, et les militants islamistes prennent le dessus dans les provinces du nord-ouest.

En quoi l’administration Bush a-t-elle concouru à ce désastre ?

Tout a commencé en 2002. Le gouvernement Bush a alors décidé que les soldats américains devraient rester occuper l’Afghanistan après l’invasion victorieuse qui a chassé les Talibans du pouvoir.

S’immiscer dans leurs affaires des musulmans, occuper un pays musulman avec des troupes non musulmanes, voilà ce qui conduit les islamistes à la violence, à la guérilla et au terrorisme. A titre d’exemple, c’est le soutien américain au régime corrompu d’Arabie Saoudite et la présence des militaires américains en terre sainte d’Islam qui ont décidé Oussama Ben Laden à lancer sa campagne terroriste contre les USA.

De la même façon, la poursuite de l’occupation américaine en Afghanistan et les tentatives d’éradication de l’opium, qui est la principale culture pour les afghans pauvres, ont provoqué leur désillusion à l’égard de l’occident et accru leur support à un mouvement Taliban résurgent.

C’est là qu’intervient le Pakistan. Les services secrets pakistanais, afin de contrôler l’Afghanistan, avaient apporté leur soutien aux Talibans durant leur prise du pouvoir puis leur règne despotique.

Bien que Mucharraf, soumis à une intense pression pour changer d’alliances après le 11 septembre 2001, ait soutenu en parole la « guerre contre le terrorisme » des USA et empoché 10 milliards de dollars d’aide, il avait besoin du soutien de ces mêmes islamistes pour conserver le pouvoir. Il n’a donc jamais fait de véritable effort pour capturer Oussama Ben Laden, qui se cachait sans doute dans les montagnes au nord ouest du Pakistan.

Au contraire, il a promis de ne pas attaquer les islamistes de ces provinces. Mais de la même façon que l’occupation de l’Afghanistan, l’assistance militaire américaine au gouvernement Mucharraf a également alimenté une résurgence des islamistes.

Il n’est désormais plus impossible que nous assistions à une répétition de la situation iranienne de 1978, lorsque le Shah avait été renversé. La population pourrait s’élever si furieusement contre ce dictateur brutal soutenu par les USA qu’un mouvement islamiste radical finisse par arriver au pouvoir.

Mais cette fois, au Pakistan, il s’agirait d’un régime doté d’armes nucléaires - en un mot, d’une bombe islamique. L’administration Bush pourrait nous léguer le pire des scénarios géopolitique : Ben Laden et ses compagnons toujours en fuite, protégés par un régime islamiste, cette fois pourvu de l’arme nucléaire.

L’administration Bush a constamment exacerbé la menace de l’islamisme radical en refusant de voir que l’intervention des USA dans les nations musulmanes aggrave le problème. L’occupation de l’Afghanistan et le soutien à Hamid Karzai, au même titre que l’aide et le soutien à Mucharraf ont enflammé toute la région.

Quelle aurait du être la politique américaine après le 11 septembre ?

Après le renversement du régime Taliban en Afghanistan, les USA auraient du organiser un conclave réunissant tous les groupes politiques du pays et déclarer que le gouvernement de l’Afghanistan était le problème des Afghans, mais que si celui-ci donnait asile à des terroristes anti-américains, l’armée US reviendrait exercer des représailles. Si les USA avaient appliqué une telle politique, les Talibans ne seraient sans doute pas de retour aujourd’hui.

De la même manière, l’année qui a suivi le 11 septembre, Mucharraf avait donné son accord aux USA pour qu’ils se saisissent de Ben Laden. Mais au lieu d’organiser des opérations clandestines pour tirer avantage de cette offre, les USA se sont engagés dans une politique ostensible de soutien et d’aide militaire, faisant du Pakistan une marionnette américaine aux yeux des islamistes.

Le premier pas en direction d’une politique plus habile dans la région serait de reconnaître que les USA sont une partie du problème.

En Afghanistan il est encore possible de faire ce qui aurait du l’être après le 11 septembre. Retirer les troupes éteindrait le feu allumé par la résurgence des Talibans. Au Pakistan, Mucharraf pourrait finalement tomber, mais son alliance si étroite avec les USA rend vraisemblable une victoire des islamistes.

Les USA devraient utiliser la proclamation de l’état d’urgence comme un prétexte pour mettre fin à toute assistance au régime. Les USA sont si impopulaires dans la région que leur soutien à une alliance entre Mucharraf et Bhutto délégitimiserait sans doute les modérés du Pakistan.

Pour accroître les chances des forces modérées, paradoxalement, les USA devraient se garder de les soutenir et rester à la l’écart de la politique pakistanaise.

Au lieu de se disperser et de poursuivre des actions qui aggravent la menace du terrorisme et de l’islamisme radical, l’administration Bush devrait se contenter d’obtenir de meilleurs renseignements sur les agissements de Ben Laden et de ses associés. Si de telles informations étaient trouvées, les USA devraient entreprendre à leur seule initiative et de façon discrète des opérations afin de le capturer ou de le tuer.

Ivan Eland est directeur du Center on Peace and Liberty au sein du Independante Institute. Il a travaillé durant quinze ans auprès du Congrès américain sur les questions de sécurité.