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La solidarité avec le peuple palestinien est plus que jamais nécessaire

Mardi 31 janvier 2006, par Michel WARSHAVSKY

Mercredi dernier, la plupart des journalistes étrangers parlaient d’ambiance festive dans les villes et les villages palestiniens où la population était en train de voter, massivement d’ailleurs (le taux de participation a dépassé les 75%).

Les élections

« Fête de la démocratie » annonçait une chaîne européenne, en insistant sur l’absence d’incidents ou d’irrégularités. Mais il y avait en fait une irrégularité majeure : les menaces des puissances américaine et européenne de couper l’aide économique au cas où les Palestiniens éliraient au Conseil Législatif une majorité de membres du Hamas. Puis vinrent les résultats. Comme on le sait maintenant, les menaces n’ont pas fonctionné. Et c’est avec une majorité écrasante que le Hamas entre au Conseil Législatif palestinien, à la surprise de tous, y compris de la direction du parti islamiste. Certes, il était évident que ce dernier allait faire un bon résultat. Hamas capitalise sur la déception populaire face à la gestion catastrophique du Fatah et de son monopole du pouvoir depuis 1994 au moment de la mise en place de l’Autorité Palestinienne en 1994. Mais personne ne s’attendait à un tel raz-de-marée. Sur les 132 députés du nouveau Conseil Législatif, le Hamas a 76 élus, le Fatah 43, et les diverses listes de gauche 13. Il est par ailleurs intéressant de noter que dans le collège proportionnel (le conseil étant composé à 50% de députés élus à la proportionnelle sur des listes nationales et à 50% par des représentants de districts élus à la majorité des voix), les chiffres sont sensiblement différents : sur 66 députés, le Hamas a 30 élus (45%), le Fatah 27 (41%) et la gauche 9 (14%). Cela représente plus fidèlement le véritable rapport entre les forces politiques dans les territoires palestiniens.

Détournement de sens

Des l’annonce des résultats, une immense campagne de mystification internationale a commencé. « Nous n’avons plus de partenaires » ont affirmé les dirigeants israéliens. Avec la victoire du Hamas, ont renchéri les medias occidentaux, le processus de paix est maintenant enterré. Comme si, à la veille des élections, il y avait eu un processus de paix ou pour le moins des négociations israélo-palestiniennes ! Comme si le Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abass et avant lui Yasser Arafat n’avaient pas été eux aussi disqualifiés comme partenaires par Ariel Sharon ! Celui-ci a fait, depuis longtemps, le choix de l’unilatéralisme et systématiquement refusé de considérer les dirigeants du Fatah comme des interlocuteurs, y compris dans le « retrait unilatéral de Gaza ». Ce n’est pas l’élection du Hamas qui a mis fin au processus négocié, mais le refus déclaré du gouvernement israélien de continuer le processus d’Oslo. Pas plus qu’Ariel Sharon n’aura été sur le tard un homme de paix, la victoire du Hamas n’est le signe d’une reprise de la guerre. Faut-il rappeler que, malgré la trêve unilatérale des Palestiniens, et en particulier du Hamas, les agressions n’ont pas cessé par les forces d’occupation israéliennes.

Un recul pour la démocratie en Palestine

Autre composante de la campagne de mystification, ouvertement raciste cette fois, est la description du Hamas comme un courant « fanatique », irrationnel, pour qui la violence est un but en soi, et la mort des Juifs un « devoir sacré ». Certes, Hamas est un mouvement islamiste intégriste, guidé par une certaine lecture de l’Islam avec un projet de société où il ne ferait pas bon vivre pour quiconque est épris de liberté et d’égalité. Il prône en outre la destruction de l’Etat d’Israël et la constitution d’une république islamiste sur l’ensemble du monde où la culture musulmane est majoritaire. Pour les hommes et les femmes de Palestine, la victoire du Hamas est une défaite dans leur lutte pour un État laïc et démocratique. En fait le Hamas n’est pas différent de nombreux partis intégristes israéliens dont le projet de société est assez proche de celui du Hamas. C’est le cas de certains partis israéliens d’extrême-droite qui s’opposent farouchement a l’autodétermination des Palestiniens et qui appellent à leur expulsion et leur dispersion à travers le monde arabe. Or ces partis ont fait partie de plusieurs gouvernements israéliens, que ce soit celui de Yitshak Rabin (le Parti National Religieux, le Shass) ou le gouvernement d’Ariel Sharon (Moledet, l’Union Nationale). Pourtant, cela n’a pas provoqué le boycott Israël ou la rupture de l’accord d’association entre Israël et l’Union Européenne.

Le pragmatisme prévisible d’Hamas

Contrairement aux images propagées par plusieurs médias israéliens et internationaux, Hamas est un mouvement politique extrêmement rationnel et pragmatiste. Si l’islamisation du monde arabe est son objectif à long terme, y compris, pour l’instant, la disparition Israël, il est tout à fait prêt à accepter un cadre de coexistence avec l’État sioniste, à négocier avec ses dirigeants et à respecter les accords signés entre l’OLP et l’État israélien. Ses dirigeants l’ont d’ailleurs clairement annoncé, dès lors qu’il acceptait de prendre part à l’exercice électoral et à revendiquer le pouvoir. L’acceptation d’une trêve à long terme avec Israël et ce malgré le fait Israël s’est opposé à cela dans sa guerre dite de « pacification », prouve que le mouvement islamiste sait être pragmatique. Le respect scrupuleux de cette trêve malgré les innombrables provocations israéliennes montre en outre que c’est un mouvement extrêmement discipline. Trois décisions prises par la direction du Hamas ces derniers jours montre la voie qu’il entend suivre. D’abord, l’acceptation de l’autorité de l’OLP (toujours dirigée par le Fatah) sur l’Autorité nationale palestinienne, ce qui laisse au Président Abass une très grande marge de manœuvre dans la poursuite d’un éventuel processus négocié, si Israël décide de mettre fin à son sabotage. Ensuite l’appel à un gouvernement d’union nationale avec le Fatah, ou les postes les plus importants seraient aux mains d’experts et de technocrates et dans lequel les dirigeants du Hamas seraient en fait minoritaires. Finalement, la dissolution de ses propres milices dans des forces armées nationales palestiniennes. On est donc loin d’un projet de guerre sainte, comme on nous en rabat les oreilles depuis quelques jours. En fait, la balle est dès à présent dans le camp du Fatah : répondra-t-il aux appels a l’union du Hamas ? Acceptera-t-il de renoncer au monopole du pouvoir, en particulier sur les finances et les forces armées officielles ? Or le mouvement créé à l’origine par Yasser Arafat est divisé face aux enjeux nouveaux auxquels il est confronté, et les risques de confrontations entre tendances rivales de la formation d’Abou Mazen sont tout à fait réels.

L’importance de la solidarité

Des tensions similaires menacent également le mouvement de solidarité internationale, avec le risque de voire poindre des tendances à réduire une solidarité plus nécessaire que jamais, à cause du « mauvais vote » des Palestiniens. Or la tâche centrale du mouvement de solidarité en Europe est aujourd’hui de combattre avec vigueur et sans compromis aucun le chantage exercé par certains gouvernements européens et certains dirigeants de l’UE : les Palestiniens ont besoin du soutien international, les Palestiniens ont droit au soutien international, indépendamment du choix démocratique qui a été le leur. Se dérober à une telle tâche reviendrait à confirmer l’horrible discours défendu par le gouvernement israélien depuis près de six ans, selon quoi, en soutenant une direction terroriste (il s’agissait à l’époque de Yasser Arafat !) le peuple palestinien prouve qu’il est un peuple terroriste et qu’en conséquence, il a perdu tous ses droits.