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CRISE AU MOYEN-ORIENT

La destruction de l’agriculture libanaise

Jeudi 31 août 2006, par

Le comité des ingénieurs du Parti Communiste Libanais (PCL) a tenu, aujourd’hui, une conférence de presse sur "L’impact de l’agression israélienne sur l’agriculture et les mesures à prendre", en présence des représentants du ministère de l’agriculture au Liban, de l’ordre des ingénieurs et du fleuve Litani.

Marie NASSIF-DEBS

L’ingénieur en agronomie, Fakhr DAKROUB, ex-expert au "Plan vert", a présenté une étude basée sur des rapports faits par plusieurs ingénieurs agronomes suivant une recherche sur le terrain.

Nous présentons, ici, une vue exhaustive de cette étude faite sous le titre : "Première évaluation des dégâts causés par l’agression israélienne contre le Liban / 12 juillet-14août 2006".

Les dégâts de l’agression menée par Israël contre l’agriculture au Liban sont énormes et catastrophiques, tant sur le plan de l’agriculture que sur le plan de la production animale (ovins, bovins, volailles ainsi que les produits laitiers). Ils ont dépassé de loin ceux causés par l’agression de 1982 et ont abouti à une régression, quantitative et qualitative, de la production que nous pouvons résumer comme suit :

I. Les dégâts directs

La période durant laquelle l’agression eut lieu est une période de production maximale sur le plan agricole. Voilà pourquoi les dégâts se trouvent surtout dans les champs cultivés que les agriculteurs ont été dans l’impossibilité d’acheminer vers les marchés ; d’ailleurs, les produits récoltés se sont détériores, soit parce que les chambres frigorifiés ont été bombardées, soit à cause des coupures du courant ou, encore, parce que les routes et les ponts détruits n’ont pas permis l’acheminement des denrées ni vers les marchés intérieurs ni vers l’extérieur.

Nous pouvons présenter une évaluation, presque finale, des pertes directes dans ce secteur très important pour une majorité de Libanais :

1.Les arbres fruitiers :

*Toute la production de bananes pour cette année et l’année suivante est détériorée sur une surface de plus de 3000 hectares. la cause est les bombardements des canalisations d’eau (particulières et publiques) à Kasmieh-Ras al Aïn.

*Les oranges de type "Valancia" ont subi des pertes de 30 000 tonnes et les citrons une perte de 20 000 tonnes.

*Les pommes dans le secteur montagnard, dont la récolte commence au début de septembre, ont subi aussi des dégâts essentiels parce que les opérations agricoles devant être faites au mois de juillet, surtout l’irrigation, étaient impossibles ; ce qui va influencer la qualité aussi bien que la quantité de la production et, par suite, les possibilités d’exporter cette denrée essentielle.

*Le raisin cultivé dans les régions des plaines, dont la récolte commence généralement fin juillet-début août, est entièrement détérioré (3 000 tonnes environ). Quant au raisin tardif, il a subi de grands dommages, surtout dans les régions de la Békaa du Centre et de l’Ouest.

*La catastrophe la plus dure a touché les poires, les pêches et les prunes que les agriculteurs n’ont pas pu cueillir, surtout après le massacre du village d’Al-Qaa, dans la Békaa Nord.

Les pertes dans ce secteur s’élèvent à plus de 8 000 tonnes pour les poires (et autant les prunes) et 16 000 tonnes pour les pêches.

2.Les tubéreux (pommes de terre, ail, oignons) :

La pomme de terre était près d’être récoltée dans la Békaa. Le retard, dû aux raids de l’aviation israélienne, a mis fin à plus de 95 000 tonnes. De même, la production des oignons est à moitié détruite.

3.Les cultures industrialisées :

La betterave et, surtout, le tabac ont subi de lourdes pertes, surtout dans les régions bombardées de la Békaa, de Nabatieh et du Sud (quelques 15 000 tonnes de feuilles de tabac).

4.Les fleurs et les plantes d’intérieur :

Presque toute la récolte est endommagée.

5.Les cultures sous serres :

Les dégâts furent directs (bombardements) et indirectes (coupures d’eau et impossibilité de faire les services nécessaires à l’entretien).

6.Les cucurbitassées :

Plus de 800 hectares de pastèques, 200 hectares de melons et 500 hectares de concombres et de tomates ont été détruits.

7.Les graminées et les légumes :

Furent entièrement détruites dans le Sud, surtout (plus de 30 000 hectares).

II. Les dégâts indirects

Ils ont plusieurs causes et peuvent s’échelonner sur deux ans et plus :

L’absence de lutte contre les microbes et la détérioration d’une certaine partie des cultures à l’intérieur même du sol.

L’impossibilité de procéder à la fertilisation ou encore au désherbage et au labourage du sol.

L’absence de l’irrigation, surtout dans les champs de bananiers et les serres et la destruction des canaux d’irrigation.

L’empoisonnement du sol par les bombes à phosphore et les bombes contenant des produits chimiques et on parle, même, d’uranium.

La fermeture des usines de produits alimentaires, soit à cause des bombardements ou du départ d’une partie de la main-d’œuvre.

La destruction par les avions israéliens des chambres frigorifiques.

La destruction des pompes à eau, des puits artésiens, des milliers de tracteurs et de camions.

Ces dégâts ne peuvent être comptabilisés réellement que dans une semaine ou deux.

III. Les pertes du secteur de production animale

*Plus de 6 000 têtes de bovins ont péri dans les régions de Nabatieh, du Sud et de la Békaa du Centre (évaluées à quelques 10 millions de dollars).

*Plus de 15 millions de perte dans le secteur des volailles (destruction des fermes, mort des volailles, pertes de produits et de machines...).

*Dans le secteur de la pêche, on compte la perte de plus de 650 bateaux, 6 000 filets. Sans oublier la pollution, due au bombardement des citernes de mazout de la centrale électrique de Jieh qui ont fait couler leur contenu dans la mer, ou la destruction des installations piscicoles (truites et autres poissons d’eau douce) sur la rivière l’Oronte, au nord du pays.


IV. Les canaux d’irrigation sur le fleuve Litani et les autres fleuves

Tout le projet d’irrigation de Kasmieh a été détruit ainsi que celui de Qarawn, dans la Békaa Ouest, et les pompes de ces deux installations. L’estimation des pertes s’élève à 23 millions de dollars.

V. Les pertes

Les premières estimations de ce qui a été recensé jusqu’à ce jour par les ingénieurs du PCL donnent les résultats suivants (que nous avons aussi comparés avec ceux obtenus par le Ministère de l’agriculture et la "fédération des agriculteurs des agrumes et des arbres fruitiers au Sud-Liban) :

Cucurbitassées et légumes de toutes sortes : 60 millions de dollars
Pommes : 10 millions de dollars
Agrumes : 20 millions de dollars
Bananes : 20 millions de dollars
Olives : 10 millions de dollars
Blé et autres : 15 millions de dollars
Betterave : 10 millions de dollars
Plants, fleurs, plantes, serres... 35 millions de dollars
Canaux d’eau : 23 millions de dollars
Puits artésiens, tracteurs, camions... 50 millions de dollars
Volailles, bovins, poissons et pêche : 48 millions de dollars

TOTAL
301 millions de dollars

Quant aux dégâts indirects :

Ils sont évalués à quelques 150 millions de dollars qui augmentent chaque jour, à cause du blocus imposé par les Israéliens contre le Liban.

VI. Les mesures à prendre

1 . Créer une caisse pour la protection de la production agricole des suites des catastrophes naturelles et des guerres. Le PCL avait, il y a plus de 40 ans, inclus cette mesure dans son programme agricole, à la suite de son troisième congrès.

2 . Œuvrer un changement temporaire dans le calendrier agricole avec les pays arabes. Le but : protéger la production agricole libanaise, d’une part, et, d’autre part, demander à certains pays arabes (l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe arabique, la Syrie, la Jordanie) de faciliter l’entrée des produits libanais comme une des formes d’aide et d’assistance au Liban.

3 . Demander aux banques et aux sociétés agricoles de retarder pour un an au moins, et sans l’exigence d’aucun intérêt, les dettes des agriculteurs.

4 . Dédommager les agriculteurs, en espèce et en nature, selon les domaines et sur la base de factures réelles afin de donner à chacun ce qui lui revient.

5 . Mettre en suspens les clauses concernant l’accord agricole arabe, le partenariat avec l’Europe et les accords internationaux.

6 . Préparer une conférence visant à sauver le secteur agricole libanais, mais aussi à lui donner un nouvel essor, sous le patronage de l’Etat et avec la participation de tous les partenaires.

7 . Ouvrir la sécurité sociale aux agriculteurs et créer une entreprise visant à les garantir contre les catastrophes naturelles et les dangers militaires.

8 . Créer des marchés dans tous les chefs-lieux des cantons et des régions.

Préparé par :
Le comité des ingénieurs du PCL
Sous la direction de :
Fakhr DAKROUB

Beyrouth, le 30/8/2006