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PALESTINE

La communauté internationale doit changer de cap

Mardi 13 mars 2007, par Pierre BEAUDET

Depuis maintenant plus d’un an, les États-Unis, le Canada et l’Union européenne ont pratiquement coupé les fonds aux Palestiniens des territoires occupés. En phase avec le gouvernement israélien, cette politique a été conçue pour « punir » les Palestiniens d’avoir élu majoritairement et démocratiquement le Hamas, un mouvement qui se réclame à la fois du nationalisme et de l’Islam politique. Le résultat de tout cela est très grave. D’une part, l’impact est catastrophique pour la population. Pire encore, le boycottage ne favorise nullement la reprise du processus de paix. Pour des raisons à la fois humanitaires et politiques, cette orientation doit être révisée le plus tôt possible.

Une société qui implose

En fonction du boycottage décrété par plusieurs pays et par le gouvernement israélien (qui retient des centaines de millions de dollars payés par les Palestiniens sous formes de taxes diverses), les territoires occupés où vivent plus de trois millions de Palestiniens sont devenus en quelques mois des sociétés « clochardisées. À Gaza où la situation est encore plus grave, plus de 75% des gens sont sans emploi. L’Agence des Nations Unies qui est responsable des territoires occupés, l’UNWRA estime que 63% des populations est « très pauvres », incapable de subvenir à ses besoins fondamentaux, y compris nutritionnels.

Les enfants et les mères sont particulièrement pénalisés

Les enfants de moins de 15 ans qui composent la majorité de cette population sont très affectés. L’accès à l’école et aux soins de santé est sévèrement limité, en bonne partie à cause de l’implosion de l’administration publique. En effet, les salaires des enseignants et du personnel de santé, de même que pour l’ensemble des 140 000 employés de l’État, ne sont pratiquement plus payés. À Gaza où le nombre est déjà insuffisant, plus de 400 médecins sont carrément au chômage. Entre-temps, les stocks de médicaments sont en déficit chronique. Le problème est fortement aggravé par l’encerclement des territoires et également par les barrages et les couvre-feux constamment imposés par l’armée israélienne. Selon le psychiatre palestinien Elia Sarraj, 90% des enfants de Gaza souffrent d’anxiété et sont plus ou moins en état de fonctionner dans leurs familles ou à l’école. Par ailleurs, de nombreuses mères sur le point d’accoucher se voient interdites de franchir les barrages pour se rendre à l’hôpital, selon une étude que vient de compléter le docteur Mustafa Barghouti, qui anime une ONG palestinienne, l’Union des comités de secours médicaux.

Non-gouvernance et menace de guerre civile

Résultat très peu surprenant de tout cela, le gouvernement palestinien est devenu un fantôme. Les réseaux familiaux de base prennent le relais, mais avec de plus en plus de difficultés. D’où l’inquiétante montée de la criminalité dans une société qui auparavant savait gérer ses problèmes sociaux, globalement. Les Etats-Unis et leurs alliés tentent de « pallier » à cet écroulement du gouvernement en soutenant le bureau du Président Mahmoud Abbas, qui est devenu de facto un « État dans l’État », mais cela est totalement insuffisant pour faire fonctionner l’administration publique. Dans les faits, le soutien financier accordé au Président est surtout de nature militaire, dans le but de confronter les forces de sécurité dont disposent le gouvernement élu. Dans ce contexte, les affrontements interpalestiniens se sont fortement aggravés. Lorsque Yasser Arafat était Président, les principales factions comme le Fatah et Hamas avaient toujours refusé de traverser une certaine « ligne rouge » et de faire couler le sang palestinien. C’est ce qui a été transgressé durant la dernière période. Les forces présidentielles ainsi que des milices associées à certains « hommes forts », notamment le redoutable Mohamed Dahlan ont attaqué ce qui a déclenché des représailles de la part de Hamas. À Gaza des quartiers entiers et des camps de réfugiés sont assiégés. Il faut dire qu’un grand nombre de policiers palestiniens sont inactifs, en partie à cause des problèmes économiques, en partie parce qu’ils sont souvent la cible des attaques de l’armée israélienne. Depuis 2000 selon les estimations de l’ONU, 5 050 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne.

Les responsabilités internationales

Sans nier la responsabilité des factions palestiniennes dans le chaos actuel, il est impossible de ne pas voir la grande influence exercée par les Etats-Unis et l’Union européenne notamment. Des conditions ont été fixées pour la reprise de l’aide, dont la reconnaissance par Hamas de l’État d’Israël, l’arrêt de la résistance militaire et le respect des accords passés. En fin de compte, l’approche de Washington est ambiguë. On tente de soutenir le Président Abbas pour faire contrepoids à Hamas, mais lorsque celui-ci demande la reprise de l’aide pour alléger la souffrance de la population palestinienne, son message n’est pas entendu. Entre-temps, l’Union européenne a devant la catastrophe en cours redémarré une partie de ses programmes d’aide. Ainsi depuis le début de 2007, le gouvernement palestinien a pu payer les salaires courants d’environ 75% des employés de l’État (les salaires non-payés des 12 mois précédents restent en attente).

Des espoirs

Réunis à La Mecque au début de l’année, les dirigeants du Fatah et du Hamas sont parvenus à un accord pour mettre fin à ce qui pourrait devenir une véritable guerre civile et à former un gouvernement d’unité nationale. Sous la pression des pays arabes et avec l’encouragement de certains pays européens (dont la Russie), le Président Mahmoud Abbas et le chef du Hamas Khaled Mashal ont accepté de former un nouveau gouvernement. Parallèlement, les dirigeants palestiniens ont été fortement sollicités par des représentants de toutes les factions politiques et de la société civile (dont le docteur Barghouti) pour trouver un terrain d’entente et éviter le pire. Sans reconnaître l’État d’Israël comme tel, Hamas affirme explicitement son appui aux accords signés à date et reconnaît que l’autorité suprême pour parvenir à une paix durable est l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP), dominée par le Fatah. Selon Khaled Maschal, « la réalité est qu’Israël existe sur le territoire palestinien. C’est un fait qu’il va demeurer un État nommé Israël ».

Un changement est nécessaire

Il est clair que le consensus palestinien reprécisé à La Mecque affirme la nécessité de redémarrer le processus de paix. Nonobstant l’histoire et la rhétorique du mouvement islamiste, Hamas appartient à la dynamique palestinienne qui est unanime sur l’objectif de créer un État palestinien indépendant sur les territoires occupés par Israël en 1967 (28% de la Palestinien historique) et de vivre en coexistence pacifique avec l’État israélien. Seulement, les Palestiniens attendent en contrepartie la fin de l’occupation qui se renforce sous l’impact des colonies de peuplement et du Mur de l’apartheid qui segmente le territoire palestinien en « cantons » isolés les uns des autres. Ils veulent aussi que cesse la répression féroce contre la population civile et qui conduit aux « punitions collectives » comme les tirs contre les civils et la destruction de l’infrastructure et de l’économie palestinienne. Devant cela, la communauté internationale serait bien avisée d’appuyer la mise en place du gouvernement d’unité nationale proposé par le Président Abbas et les chefs de Hamas. Il faudrait parallèlement tout de suite reprendre les programmes d’aide. Enfin, il faudrait faire pression sur Ehud Olmert pour que de son côté, le gouvernement israélien relance la dynamique de négociation en précisant une fois pour toutes que le principe de base ne peut qu’être le suivant : « la paix contre les territoires ».