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La Droite dure attaque Obama sur l’Irak

Lundi 23 juin 2008, par Gareth Porter

« Si Obama mène la campagne cet automne sans se rendre en Irak, sans reconnaître les progrès accomplis, et sans modifier son calendrier pour le retrait, les Iraniens pourraient décider d’aider ses chances électorales en lançant une nouvelle vague d’attentats à la bombe. » Robert Kaplan, l’un des porte-paroles les plus vindicatifs des thèses néoconservatrices, présente déjà Barack Obama comme le candidat de l’Iran, préfigurant sans doute l’angle d’attaque qu’utilisera McCain. Analyse de Gareth Porter.

Robert Kaplan est une réincarnation des impérialistes de la fin du XIXe siècle qui croyaient en un droit inhérent des États-Unis de dominer les races inférieures et estimaient que l’art viril de la guerre est bon pour la civilisation. Dans son ouvrage Imperial Grunts il a parlé sans aucune trace d’ironie de la gloire des soldats américains prenant sur eux « le fardeau de l’homme blanc ».

Kaplan était à la fin 2002 un partisan enthousiaste du projet de Bush de s’emparer de l’Irak et d’utiliser ses bases militaires afin de dominer le reste de la région. Il a assuré avec confiance à ses lecteurs que la mise en place d’un nouveau gouvernement ne rencontrerait pas de gros problème une fois que les militaires des États-Unis contrôleraient le pays. « Notre objectif en Irak », a-t-il écrit, « devrait être une dictature laïque de transition qui unit les classes marchandes de toutes les confessions et puisse a terme, après la reconstruction des institutions et de l’économie, conduire à une alternative démocratique. »

Cette vision politique s’alignait sur la conviction de Paul Wolfowitz voulant que les chiites irakiens ne seraient pas opposés à l’occupation de Nadjaf et Karbala par des troupes étrangères, parce qu’il ne pensait pas que l’Irak ait de villes saintes, comme c’est le cas en Arabie Saoudite.

Kaplan joue aussi le rôle d’un « chien de garde » pour la droite impérialiste concernant l’Irak. Dans son dernier éditorial, il avertit que Obama doit changer sa position concernant le retrait des troupes d’Irak ou faire face à de graves conséquences politiques cet automne. Il suggère que Obama sera le candidat de l’Iran s’il n’accepte pas la position de l’administration Bush sur le fait que les États-Unis doivent maintenir une présence militaire en Irak pendant une durée indéfinie.

Voici dans son intégralité l’avertissement de Kaplan, écrit d’une main plutôt lourde, vis-à-vis de la campagne Obama :

« Un retrait précipité pourrait être la dernière chance iranienne de dominer l’Irak dans la mesure où ils l’avaient cru possible en 2006. Si Obama mène la campagne cet automne sans se rendre en Irak, sans reconnaître les progrès accomplis, et sans modifier son calendrier pour le retrait, les Iraniens pourraient décider d’aider ses chances électorales en lançant une nouvelle vague d’attentats à la bombe. »

Dans l’avertissement de Kaplan ce n’est pas ce que les Iraniens feraient pour Obama qui est important. C’est ce que la droite impérialiste ferait de lui. Ils désespèrent complètement d’impliquer Obama dans la prochaine débâcle en Irak. Ils préféreraient le voir partager la responsabilité de la politique actuelle. S’il refuse, toutefois, ils ressentent évidemment la nécessité de créer une nouvelle narration affirmant que Obama et les Démocrates permettent à l’Iran d’arracher la victoire en évitant la défaite.

Kaplan fait clairement allusion au fait que la droite impériale, qui contrôle aujourd’hui la Maison-Blanche, mais aussi la campagne de McCain, étiquettera Obama comme le candidat de l’Iran à l’automne. L’autre conséquence de cette menace, bien sûr, est qu’il sera également accusé d’avoir « perdu » l’Irak en faveur de l’Iran.

L’idée d’établir un lien entre le plan de retrait des troupes de Obama et la position iranienne en Irak n’a pas de sens objectivement, mais c’est la réponse politique logique de ceux qui ont conduit les États-Unis dans une guerre désastreuse. Ce faisant, ils espèrent détourner l’attention du public du problème central de l’administration Bush - le fait que l’invasion de l’Irak a placé les substituts iraniens au pouvoir à Bagdad par l’élimination du principal ennemi de l’Iran, Saddam Hussein, ouvrant ainsi la voie à un Etat chiite .

Les élections parrainées par les États-Unis en 2005, qui ont été tellement glorifiées par l’administration Bush et les médias américains, ont réjoui les dirigeants iraniens. Ils ont ouvert la porte du pouvoir d’état aux partis politiques et aux groupes paramilitaires chiites créés en Iran par la Garde Révolutionnaire Islamique pendant la guerre Iran-Irak. L’administration Bush n’avait d’autre choix que de collaborer avec les chiites pro-iraniens en 2004 et 2005, parce qu’elle avait désespérément besoin de l’aide de leurs forces paramilitaires pour combattre les insurgés sunnites.

Depuis lors, l’administration Bush et ses alliés impérialistes de droite ont dû nier la réalité évidente que le régime irakien que nous sommes censés protéger de l’Iran était en fait un condominium conjoint américano-iranien.

Le scénario pré-électoral de Kaplan d’attentats à la bombe orchestrés par l’Iran est, bien entendu, un non-sens complet. Plutôt que de chercher à attiser une guerre entre les chiites et les Américains, l’Iran a tout simplement convaincu ses amis chiites irakiens (que l’Iran a formé et financé dans les années 1980), de faire en sorte que la proposition de l’administration Bush concernant un accès à long terme a des bases militaires iraquiennes soit rejetée.

Dick Cheney n’a pas tari d’éloges sur Abdul Aziz al-Hakim, le leader du principal parti politique pro-iranien, pour sa coopération quand il s’est rendu à Bagdad en Mars, mais des personnalités de premier plan de ce même parti attaquent maintenant la proposition de l’administration Bush d’un « accord-cadre » avec l’Irak comme légitimant l’occupation US. Il en est de même du propre parti du Premier Ministre al-Maliki, le parti Dawa.

Maintenant que les bénéficiaires de l’invasion américaine et du renversement de Saddam se joignent a l’Iran pour rejeter les exigences militaires de l’administration Bush, ceux qui ont conduit ce pays dans la guerre doivent savoir qu’ils sont à blâmer pour avoir sacrifié toutes ces vies américaines pour le bénéfice politique de l’Iran.

Le stratagème politique consistant à déplacer la responsabilité de l’échec d’une entreprise impériale vers l’autre partie est une vieille histoire dans la politique américaine. Souvenez-vous de la magistrale accusation de Henry Kissinger en 1975 sur le « coup de poignard dans le dos » porté par le Congrès Démocrate à la nation, alors même que l’ancien régime de Saigon fuyait dans la panique ? Kaplan utilise la menace d’une nouvelle série de transfert de responsabilité pour couler Obama en utilisant l’Irak.

Ce n’est que la première indication du degré de la bassesse que la campagne est susceptible d’atteindre au sujet de l’Irak.


Publication originale Huffington Post, traduction Karim Loubnani pour Contre Info


Voir en ligne : www.contreinfo.info