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Amérique du sud

La Bolivie sur la brèche

Dimanche 29 mai 2005, par Pierre BEAUDET

La Bolivie, qui n’est pas le pays le plus pauvre de l’Amérique du Sud, est traversée d’une crise politique qui ne cesse de s’amplifier depuis les dernières années. La population est en rébellion permanente, les gouvernements se disent incapables de gouverner. Mais à travers tout cela se profile une alternative autour du Mouvement vers le socialisme, le MAS.

Un nouvel acteur

Présidé par l’autochtone Evo Morales, le « Mouvement vers le socialisme » (MAS) est devenu la force politique appuyée par la majorité des mouvements sociaux, dont la puissante Fédération des Cocaleros, dont Evo Morales est encore le secrétaire général. Les appuis du MAS proviennent des paysans, des syndicats ouvriers et même d’une importante fraction des classes moyennes. Lors des élections municipales de décembre dernier, le MAS est devenue avec 19% des votes la première force politique du pays. Les autres principaux partis politiques sont le Movimiento Sin Miedo (MSN), un nouveau parti qui se présente comme une rupture (de droite) avec les partis traditionels, le « Mouvement de la gauche révolutionnaire » (MIR), le Movimiento Nacionalista Revolucionario (MNR).

Les mouvements sociaux

Au-delà des partis, plusieurs mouvements sociaux jouent un rôle important dans la lutte actuelle. Au niveau syndical, la Centrale des ouvriers boliviens (COB) reste l’organisation la plus importante, bien que son membership est une fraction de ce que cela a été dans le passé. Les restructurations néolibérales des 20 dernières années ont en effet détruit le secteur public, y compris les grandes entreprises minières qui constituaient l’épine dorsale de la COB. Le mouvement social le plus dynamique est sans doute la Fédération des « cocaleros » (producteurs de coca), dont Evo Morales est le président depuis 1990. Il s’agit d’un mouvement enraciné dans les différentes parties du pays. Bien que composé majoritairement d’autochtones, ce mouvement ne se présente pas comme un mouvement indigéniste, mais comme un mouvement social, populaire, de masse. Malgré plusieurs tentatives de l’État pour démontrer des liens entre Morales et les narcotrafiquants, la probité du leader du MAS est restée intacte. Les cocaleros réclament la régulation et l’encadrement juridique de la production de coca à des fins médicinales et s’opposent vivement aux destructions « sauvages » orchestrées par l’armée et les États-Unis contre les petits producteurs de coca. À l’échelle régionale, d’autres processus d’organisations sont à noter, comme ce qui est survenu lors de la « guerre de l’eau » à Cochabamba (deuxième ville du pays), lorsque la population s’est soulevée en 2001 contre la privatisation de l’eau.

Les prochaines confrontations

En mai 2001, Morales a dirigé la mobilisation contre le gouvernement de Jorge Quiroga, lequel a tenté de militariser la confrontation. Lors des élections nationales de 2002, Morales a obtenu le plus grand pourcentage des votes. En février 2003, des affrontements ont éclaté partout dans le pays entre paysans et travailleurs d’une part, l’armée d’autre part. Le MAS et les mouvements sociaux réclamaient la démission du président Sanchez de Lozada, ce qui a été obtenu finalement en octobre 2003, après que celui-ci ait fait adopté un projet de loi permettant l’exportation du gaz naturel vers les Etats-Unis. Par la suite, un nouveau président intérimaire a été nommé, Carlos Mesa. Celui-ci se présente comme un « modéré » et a en effectivement engagé des négociations avec le MAS pour assurer que les prochaines élections se feront dans le calme. Parallèlement, un référendum a été organisé sur l’exportation du gaz et le projet a été temporairement gelé. À l’heure actuelle, Morales tente d’élargir ses alliances avec d’autres secteurs politiques pour constituer un projet rassembleur un peu comme Lula a réussi à le faire au Brésil. Le projet est complexe, non seulement à cause de la déliquescence des partis, mais aussi à cause de la fragmentation de la société bolivienne, où la grande majorité de la population est composée de paysans ultra-pauvres aymara ou quechuas.