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PALESTINE

L’unité palestinienne : possibilité réelle ou simple incantation ?

Mardi 23 septembre 2008, par Ramzy Baroud

Jusqu’à quel point peut-on faire confiance aux pourparlers en Egypte si certaines parties impliquées reçoivent leurs instructions de Washington et consultent systématiquement leur « partenaires pour la paix » à Tel Aviv ?

Nplouse, le 10 août 2008 - Manifestation en faveur de l’unité palestinienne - Photo : Rami Swidan/Maan News
Amr Moussa, secrétaire général de la ligue arabe a eu recours à un langage particulièrement dur lors d’une conférence se tenant au Caire le 9 septembre dernier, en dénonçant le sectarisme palestinien et en laissant entendre que la ligue irait jusqu’à étudier la possibilité d’appliquer des sanctions à l’égard des Palestiniens en conflit.

« Je suis extrêmement fâché avec les organisations palestiniennes... Nous sommes en train d’étudier les mesures pouvant être prises face au désordre actuel dans le camp palestinien, » a-t-il dit, après une réunion des ministres arabes des affaires étrangères. Il a ajouté : « les sanctions ne seraient pas appliquées contre n’importe qui. Elles seraient contre le côté qui empêche la réconciliation et peut-être contre quiconque, individu ou organisation, qui bloque les efforts égyptiens. »

Si on prend en considération les efforts déployés par Moussa dans le passé pour consolider un front palestinien et produire une apparence d’unité arabe pour appuyer celui-ci, on ne peut qu’être compréhensif à l’égard de la frustration vécue par le responsable de la ligue arabe et par conséquent vis-à-vis de son « extrême colère ».

La division des Palestiniens et leur fragmentation politique — sinon géopolitique — érodent bien plus la cause palestinienne que tous les efforts israéliens, murs et incursions militaires combinés. Les querelles télévisées, si pénibles à voir, entre les représentants des diverses factions palestiniennes ont semé la confusion à l’échelle mondiale parmi les organisations traditionnellement pro-palestiniennes. Les objectifs politiques — une fois tombés d’accord sur les « constantes » — et les symboles qui par le passé unissaient les Palestiniens où qu’ils soient, sont maintenant livrés à une interprétation extrême.

Dans les faits, « respecter la sacralité du sang palestinien », ce qui pendant longtemps a servi de plus bas dénominateur commun à tous les groupes palestiniens, a été transgressé de nombreuses fois ces derniers mois et ces dernières années ; trop de fois pour le dénombrer. La répétition de ce slogan est aujourd’hui une incantation vide de sens, joignant en cela de nombreuses autres incantations qui ont longtemps servi de sédatif aux masses malheureuses arabes ou palestiniennes ou aux deux en même temps.

Ceci dit, il faut aussi affronter la réalité. Il serait commode pour la ligue arabe de décider une mesure ou deux pour sanctionner des groupes palestiniens perçus comme étant les responsables des échecs des pourparlers du Caire, que ce soit les pourparlers en cours ou de plus importants programmés pour octobre. Les Palestiniens eux-mêmes n’oseraient critiquer la ligue de manifester un attachement fraternel, bien que sévère, pour la cause de la Palestine supposée être la première priorité pour chaque état arabe ---- une autre incantation... Mais il faut néanmoins que la ligue arabe, alors qu’elle s’agite autour de la question des sanctions, reconnaisse le rôle que certains de ses propres membres ont joué en poussant au combat fratricide entre Palestiniens.

Après la victoire du Hamas à la majorité des suffrages lors des élections au Conseil Législatif Palestinien (CLP) en janvier 2006, les pays arabes auraient pu féliciter le gagnant, promettre une coopération et recommander l’unité entre les partis rivaux. Au lieu de cela certains d’entre eux ont choisi de faire l’exact opposé, excluant le Hamas de leurs réunions et conférences, jouant de leurs favoris et ouvrant le chemin à des sanctions internationales sous la conduite des Etats-Unis qui ont eut pour effet de dévaster la société palestinienne dans Gaza, avec l’objectif affiché de pousser la population palestinienne dans le désespoir et les conflits internes.

Par ailleurs certains de ces pays n’ont rien trouvé de mieux à faire que de former des combattants palestiniens fidèles à la faction du Fatah en vue de les faire se battre non pas contre Israël mais contre leurs propres frères palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Les fonds pour de tels camps d’entraînement étaient naturellement dus à la courtoisie de l’Oncle Sam, et il est largement reconnu qu’une partie des armes a été fournie par Israël.

Quant à l’embargo qui a transformé la bande de Gaza déjà désespérée en une véritable prison à ciel ouvert où les médicaments arrivent en contrebande par des tunnels et où la malnutrition affecte avant tout les jeunes et les personnes âgées, il n’aurait pas pu s’imposer si Israël avait été seul à l’appliquer. Hélas, le fait que l’Egypte ait fermé ses frontières aux Palestiniens vivant dans Gaza a rendu la punition absolue.

Le secrétaire général Moussa bénéfice peut-être de plus de considération parmi des Palestiniens que certains de leurs propres dirigeants, mais la vérité doit être dite, d’autant plus qu’il a eu le courage de franchir le seuil de la franchise et de l’honnêteté. « [Les Palestiniens] doivent-ils avoir un état uniquement pour qu’ils se battent [pour] des postes ministériels ? Nous nous sommes mentis à nous-mêmes et l’avons appelé ‘état de la Palestine’. Mais ce ne sera pas un état tant qu’il n’aura pas obtenu ses pleins droits. »

Il serait difficile d’être plus précis. Les Palestiniens ne sont en rien dans un processus de construction d’un état et ils devraient se maintenir en tant que mouvement de libération nationale jusqu’à ce que la liberté soit gagnée. Mais nous nous mentons également à nous-mêmes quand nous plaçons notre totale confiance dans la ligue arabe qui est simplement une expression des souhaits de ses membres et dont la moralité peut se discuter.

Jusqu’à quel point peut-on faire confiance aux pourparlers en Egypte si certaines parties impliquées reçoivent leurs instructions de Washington et consultent systématiquement leur « partenaires pour la paix » à Tel Aviv ? Il semble logique que ceux qui ne sont pas sur les fiches de paie de Washington — mais sur sa « liste de terroristes » — soient extrêmement circonspects et constamment en alerte.

D’autre part, on ne peut pas complètement exclure la possibilité que le Hamas consulte l’Iran, en subissant peut-être une certaine influence. Mais soyons réalistes pour un instant. Quelle est la force politique du Hamas dans le cadre d’entretiens de réconciliation étant donné le haut niveau de soutien politique et financier dont jouit son principal rival ? Elle est en fait très faible hormis sa capacité à se maintenir sur un territoire [la bande de Gaza] appauvri et avec un seul soldat israélien sous sa garde. L’Iran a renforcé son appui au Hamas et celui-ci serait disposé à accepter l’appui de la Micronésie si cette dernière était disposée à le lui offrir...

En vérité, l’unité palestinienne est une nécessité et un prérequis à n’importe quelle stratégie palestinienne à grande échelle visant à en finir avec l’occupation israélienne. Mais cet objectif d’unité doit être analysé et adopté par tous, et sa signification pratique entièrement comprise avant qu’il ne se transforme en une autre incantation facile, inscrite à tous les coins de rue mais sans avoir encore le moindre sens.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »


Voir en ligne : www.info-palestine.net