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PALESTINE - ISRAEL

Conférence de Bethléhem : développement ou normalisation ?

Lundi 2 juin 2008

Le comité directeur de BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël) a publié la déclaration suivante à la veille de la Conférence sur l’Investissement (PIC - Palestine Investment Conference) à Bethléhem.

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, lors de son intervention à la cérémonie d’ouverture de la Conférence sur l’Investissement en Palestine.

Le développement économique et social en Palestine est une question cruciale et il nous faut impérativement prendre des mesures pour améliorer la situation actuelle dans les domaines économique et politique. Cependant, en dépit des conférences nationales et internationales répétées destinées à regrouper les efforts et les ressources nationaux et du soutien de la solidarité internationale, nous pensons que la Conférence économique qui va se tenir à Bethléhem durant les prochains jours avec la participation de représentants israéliens, officiels et non officiels, aura des implications politiques graves qu’on ne peut ignorer.

Cette Conférence intervient à un moment où la puissance occupante israélienne célèbre une « indépendance » construite sur nos blessures et la Nakba. Aussi, comme le peuple palestinien attend de BDS que nous soyons clairs contre Israël, nous avions espéré que la PIC serait une Conférence palestinienne dégagée de toute coopération politique et économique en lien avec l’occupant. Nos espoirs à cet égard se sont révélés mal fondés.

Cette Conférence a été fortement promue par ses organisateurs comme une occasion de faire avancer les objectifs nationaux du développement palestinien et comme une base pour la relance économique palestinienne. Cependant, à aucun moment, les organisateurs n’ont pris en compte le facteur le plus important pour que se réalise cet objectif : la fin de l’occupation, garantie de l’indépendance et de l’autonomie politique. Tout le reste ne pourra qu’aboutir à créer des conditions sociales et économiques qui détruiront l’espoir d’indépendance des Palestiniens.

Les projets promus par la Conférence de Bethléhem ne reprennent aucune des exigences politiques palestiniennes. La Conférence elle-même est devenue une Conférence politique, pas simplement économique. Elle accueillera des délégations officielles américaines, sionistes, arabes, et celle de l’Autorité palestinienne. Les dangers de cette Conférence sont les suivants :

Les projets défendus dans le Plan de réforme et de développement palestinien (PRDP) qui constitue la toile de fond de la Conférence sont tous d’anciens projets qui ont été antérieurement promus par la puissance occupante. Un exemple en est le projet japonais pour la vallée du Jourdain : les études de faisabilité ont commencé en 1999. Quant à la zone industrielle de Jalame, elle fut annoncée en 1998. Le projet de « villes nouvelles » a été lancé en 2004 par la société d’investissements Portland, l’un des visages du lobby sioniste britannique. Le projet commun sur le tourisme a été discuté pour la première fois par une organisation appelée Tourism4Peace, en 2004, un groupe qui défend Jérusalem comme « capitale d’Israël », dénomination sans aucun fondement juridique en droit international.
L’Autorité palestinienne a permis à des institutions et des entreprises étrangères de sponsoriser la Conférence, notamment la société Intel, société américaine qui a investi aux environs de 8 milliards de dollars en Israël, l’une de ces entreprises qui construisent à Iraq al-Manchiya, un village palestinien au nord-est de Gaza, village qui a été détruit et dont la population a été expulsée en 1948. Un autre bailleur est Booz-Allen-Hamilton, en étroites relations avec les renseignements américains et spécialisé dans le domaine dit de la sécurité du territoire, fournissant renseignements et collecte de données. La présence de tels bailleurs soulève de sérieuses questions quant à l’agenda de la conférence.
Les projets proposés prennent comme base la participation israélienne à la prise de décisions et le contrôle israélien sur leur statut juridique. Dans la zone industrielle proposée pour Jalame, la législation du travail qui sera applicable sera fixée selon les termes dictés par la puissance occupante, alors que ce site se trouve en zone B selon les Accords d’Oslo, donc sous juridiction palestinienne. Le projet relatif au tourisme qui sera réalisé au sud-est de Jéricho est appelé projet « zone frontalière » alors qu’il est situé au cœur de la vallée du Jourdain, tout à l’intérieur de la Cisjordanie. Les termes du projet renforcent la position d’Israël dans son refus de discuter la fin de l’occupation de la vallée du Jourdain ; maintenant, l’occupation y existe avec la bénédiction palestinienne.
Les projets sont destinés à répondre aux exigences économiques de l’administration israélienne, pas à celles du peuple palestinien. Le projet japonais pour l’agriculture dans la vallée du Jourdain sera orienté vers l’exportation : il ne fera rien pour assurer une sécurité alimentaire pour les Palestiniens. Le projet de recyclage des eaux usées utilisera la technologie israélienne, écartant ainsi l’exigence palestinienne formulée depuis le début d’Oslo pour recevoir sa juste part, selon le droit international, du fleuve du Jourdain et des sources souterraines.
Toutes les études et rapports publiés conviennent que la crise humanitaire et économique palestinienne est causée par l’occupation. Pourtant, malgré cela, la Conférence est présentée comme un évènement qui n’abordera que l’aspect économique, pas les questions politiques. La Conférence avance la proposition que le développement économique de la Cisjordanie soit en quelque sorte assuré sans faire mention des causes de cette crise : le mur d’apartheid, les incursions, le régime de bouclages et de check-points et l’isolement des communautés palestiniennes, et les mesures imposées à Jérusalem pour développer la judaïsation de la ville.
Les projets proposés dans le PRDP ont été développés sous l’œil attentif de la Banque mondiale et celui du Département britannique du développement international (DFID), et dans les termes fixés par eux. Le fait qu’ils aient eux-mêmes déterminé l’agenda de la Conférence en fait un « gouvernement de l’ombre » exposant les priorités de développement et économiques de l’Autorité palestinienne.

Ce ne sont pas les projets de développement que nous voulons et dont nous avons besoin. Ce qu’il nous faut, c’est une conférence palestinienne nationale avec le soutien arabe et international pour renforcer la ténacité des Palestiniens et avancer vers la fin de la dépendance à l’égard de l’occupant et de son économie.

Signé :

Conseil national de BDS
Conseil national pour la Commémoration de la Nakba

25 mai 2008 - Boycott, divestment and sanctions against Israel - publié sur le site d’Alternative Information Center - traduction : JPP