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PALESTINE

Clinton et Obama : un très mauvais départ

Dimanche 3 mai 2009, par Ramzy Baroud

Si l’on se base sur les récentes déclarations d’Hillary Clinton à propos de la Palestine, il n’y a aucun changement se profilant à l’horizon, estime Ramzy Baroud.

Hillary Clinton est la première représentante du lobby sioniste dans l’administration Obama. Sa première fonction est de relayer et imposer les vues des dirigeants israéliens dans la politique étrangère américaine, face à un Obama particulièrement discret sur la question palestinienne.
Incongrue. On peut difficilement trouver un mot plus approprié pour décrire la nouvelle approche du gouvernement des États-Unis à propos de la paix au Moyen-Orient. Bien qu’il y ait peu de signes qui permettent d’imaginer que les précédents gouvernements des États-Unis aient véritablement voulu jouer un rôle équilibré pour une paix juste entre Israël et les Palestiniens, beaucoup espéraient — et quelques-uns espèrent toujours — que l’administration de Barack Obama s’appuierait sur de nouvelles normes.

Mais si les commentaires récents formulés par la secrétaire d’état Hillary Clinton suffisent comme indicateur général de la politique de l’administration Obama au Moyen-Orient, alors peu de changements se profilent à l’horizon.

Clinton a déclaré à des députés américains le 23 avril que la clef pour la paix entre Israël et les Palestiniens était Téhéran, et que si l’on n’était pas ferme avec l’Iran, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’Israël cherche à faire la paix avec les Palestiniens. « Les deux vont de pair, » a-t-elle souligné. Quelle approche tordue. Pour que la paix s’impose, Israël devrait s’impliquer dans des « discussions » avec l’autorité palestinienne de Mahmoud Abbas dans l’objectif de favoriser l’isolement de l’Iran, pour des raisons ayant entièrement trait aux intérêts américains et à la « sécurité » israélienne.

Alors que l’approche de Clinton se base sur l’idée d’utiliser Israël comme un leurre avec des propositions de discussions de paix, quelle est la promesse faite par Clinton aux Palestiniens, aux Arabes, et aussi à l’Iran si ce n’est d’infinies parlotes, une guerre froide régionale et des divisions sectaires ? Le Moyen-Orient n’en a-t-il pas vu assez ? N’est-il pas temps de reléguer aux oubliettes un tel langage si dommageable et de se concentrer sur un engagement positif pour la stabilité régionale et la coopération économique

Il est évident qu’une politique responsable des Etats-Unis dans la région pourrait signifier un nouveau départ qui serait en fin de compte salutaire pour les Etats-Unis dans un moment de dégringolade économique et de crises répétées. Pour exemple, l’Iran a fait clairement connaître ses dispositions à un dialogue avec les Etats-Unis, le mouvement Hamas cherche ouvertement le « contact », et le Hizbullah — qui semble s’impliquer dans la recherche de la stabilité au Liban — répond positivement aux ouvertures diplomatiques de l’Union Européenne.

Il apparaît cependant que le nouveau gouvernement des Etats-Unis malgré toutes ses fortes déclarations et sa témérité, est encore indécis ou incapable de s’opposer au comportement chaotique et destructeur d’Israël en Palestine et au Moyen-Orient dans son ensemble.

Clinton aurait dû utiliser un langage entièrement différent et avoir adopté une approche complètement différente si elle et son administration étaient réellement intéressées à s’investir pour une paix juste et non seulement dans des « discussions ». Au lieu d’essayer d’appâter Israël pour qu’il s’implique avec les Palestiniens suffisamment longtemps pour tromper les Arabes et isoler l’Iran, elle devrait s’être avant tout occupée des provocations lancées par le nouveau gouvernement israélien d’ultra droite.

Les chefs israéliens — confiants du statut privilégié dont bénéficie leur pays parmi les gouvernements occidentaux qui les dispensent de toute critique qui pourrait avoir des conséquences — distribuent les coups à gauche et à droite.

Avigdor Lieberman, ministre des affaires étrangères israélien et considéré dans beaucoup de milieux comme « un fasciste », conduit l’offensive diplomatique d’Israël, une stratégie utilisée et perfectionnée par les gouvernements israéliens précédents. Le but de l’offensive est de conditionner toutes les « concessions » israéliennes à des exigences précises dont l’exécution donnera tout ce que l’on voudra sauf la paix et la stabilité.

Lieberman a expliqué au Jérusalem Post le 23 avril qu’il sera « impossible de résoudre n’importe quel problème dans notre région sans résoudre le problème iranien ». On ne peut qu’imaginer ce signifie « exige la résolution du problème iranien ». Cependant, il est important de rappeler que c’était Lieberman qui a démarré sa toute nouvelle carrière en rejetant les conclusions de la conférence d’Annapolis, revenant à la feuille de route uniquement parce que cette dernière n’exige rien d’Israël tant que les Palestiniens n’ont pas totalement éradiqué la « terreur ». Sous la définition israélienne des groupes terroristes, qui inclut également le gouvernement palestinien élu [qui siège à Gaza], le véritable objectif de Lieberman est d’affranchir Israël de toute sollicitation concernant la paix, le dialogue ou même de simples discussions.

Lieberman est non seulement contrarié par les conditions, le plus souvent discrètes, présentées à Israël, mais par le vocabulaire lui-même. « Au cours des deux dernières semaines j’ai eu beaucoup de conversations avec mes collègues autour du monde. Et tout le monde, vous savez, parle avec vous comme s’ils étaient dans une campagne électorale : occupation, colonies, colons, » a répété Lieberman qui a accusé les personnes usant d’un tel langage de « s’exprimer à travers des slogans ».

Haaretz a rapporté que le premier ministre israélien Binyamin Netanyahu s’est fâché suite à une tentative européenne de conditionner des liens plus étroits avec Israël avec l’engagement de ce dernier pour une solution à deux-états. Netanyahu aurait rétorqué à Mirek Topolanek, le ministre tchèque lors de sa visite : « la paix n’est pas moins dans l’intérêt d’Israël qu’elle n’est dans l’intérêt de l’Europe, et il n’y a aucune nécessité de conditionner le développement des relations avec Israël aux progrès d’un processus de paix. Nous sommes en train de passer en revue notre politique ; ne nous bousculez pas ».

Netanyahu a été suffisamment bien disposé pour préciser ce qu’il voulait dire par « la paix est dans l’intérêt d’Israël, » en ajoutant : « Si les Israéliens ne peuvent pas construire d’habitations en Cisjordanie alors cela ne devrait pas être permis aux Palestiniens non plus, » en faisant référence à l’expansion des colonies juives et à la destruction des maisons arabes.

Selon Haaretz daté du 24 avril, Lieberman a pour sa part anéanti tous les espoirs qu’Israël puisse trouver un terrain d’entente pour négocier la paix dans le cadre de l’initiative arabe. Il l’a rejeté, entre autres raisons, parce que cette initiative revendique une solution juste au problème palestinien des réfugiés selon le droit international. Allant encore plus loin, il a invité la communauté internationale à cesser de pousser dans le sens d’un état palestinien.

Non seulement Israël veut conserver son système de contrôle de la Cisjordanie, annexer des terres arabes et maintenir ses colonies en violation du droit international, mais il veut également contrôler le langage [utilisé pour en parler], faire taire les appels pour un état palestinien, et prendre la tête d’une coalition enragée et dont les Arabes feraient partie, contre l’Iran. Voici ce qu’il en est pour ce qui est d’établir de la paix.

Dans un tel contexte, il incombe à Clinton et à l’administration d’Obama d’abandonner les slogans usés et les anciennes politiques guerrières de leur prédécesseur. S’ils sont en effet intéressés à une paix équitable, pour elle-même, alors vouloir inciter Israël à s’engager avec Abbas uniquement pour duper les Arabes et isoler l’Iran ne peut pas être un début prometteur.

* Ramzy Baroud est écrivain et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com ». Ses écrits ont été publiés dans de nombreux journaux, magazines et anthologies dans le monde entier.
Son dernier livre est « The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » (Pluto Press, London).