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PALESTINE

60 ans après la Nakba

Jeudi 29 novembre 2007, par Richard Becker

Comme dans tous les grands combats, il a eu de nombreux tours et détours, et il y en aura beaucoup d’autres. Mais la cause profonde du conflit - l’expulsion forcée d’un peuple de sa patrie - n’est ni ambigue ni confuse. Il y a soixante ans, c’est précisément ce qui est arrivé aux Palestiniens lors de "la Catastrophe", connue sous le nom de "Al Nakba" en arabe.

Le droit au retour des Palestiniens reste une exigence fondamentale

Al Nakba, l’un des principaux événements de l’histoire moderne du Moyen-Orient, a commencé le 29 novembre 1947.

Ce jour-là, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Résolution 181 partageant le Mandat Britannique de la Palestine (une colonie) en deux États, l’un arabe et l’autre juif.

L’ONU a pris cette initiative décisive sans consulter les Arabes palestiniens, qui à l’époque représentaient les deux tiers de la population.

La majorité de la population juive était composée de colons qui étaient arrivés au cours des trois dernières décennies, principalement en provenance d’Europe. Plus de 100.000 avaient été victimes du génocide nazi.

Alors que les impérialistes américains et britanniques n’avaient pas fait grand-chose avant ou pendant la Seconde Guerre mondiale pour aider les victimes juives du fascisme, ils ont utilisé les horreurs des camps de la mort d’Hitler pour rallier un soutien à la création de l’État d’Israël après la guerre

Les Palestiniens - qui n’avaient rien à voir avec l’antisémitisme européen ou avec le génocide - n’ont pas été consultés avant le vote de l’ONU. Il n’y a pas eu de référendum ou de vote de la population. S’il y en avait eu un, le résultat n’aurait pas été mise en doute : ils auraient choisi à une large majorité un État unitaire. Le vote de l’ONU était un acte illégal et une violation du droit des Palestiniens à l’autodétermination.

La majorité des deux tiers requise pour voter la résolution 181 n’a été obtenue que grâce à une intense pression américaine. Le vote est passé avec 33 pour, 13 contre et 10 abstentions. L’Administration Truman s’appuya fortement sur ses neocolonies et ses Etats-clients et, plus particulièrement, les Philippines, le Libéria, Haïti et la Thaïlande, qui étaient à l’origine opposés à la résolution.

Sans ces quatre voix, la résolution aurait échoué.

Pour des intérêts limités et à court terme, l’Union Soviétique a voté pour la résolution. Cela représentait une trahison à la lutte anti-coloniale des Arabes et cela a gravement nui à la cause socialiste dans la région. Plus tard, l’Union soviétique aurait pu devenir un allié important du mouvement de libération nationale arabe.

Le déplacement forcé d’un peuple

Le vote de l’ONU a été fêté par les Sionistes, le mouvement des colons travaillant à la création d’un Etat exclusivement juif en Palestine. Bien qu’ils ne possédaient que 6% des terres, la Résolution 181 leur accordait 56% de la Palestine.

Du côté palestinien, il y a eu de la colère et de la rébellion. Comme toutes les parties le savaient à l’avance, le partage a signifié une guerre.

Des combats ont éclaté immédiatement.

En janvier 1948, les forces armées sionistes, mieux armées, ont commencé à exécuter le "Plan Dalet". L’objectif de ce plan était de terroriser et de chasser la population palestinienne. Avant le Plan Dalet, des villageois palestiniens avaient quitté leurs maisons au cours de batailles, mais ils n’allaient en général jamais plus loin que le prochain village.

Le 9 avril 1948, une organisation paramilitaire sioniste, l’Irgun, a massacré toute la population du village de Deir Yassin, élevant le "Plan Dalet" à un nouveau niveau de brutalité.
Lorsque tout a été terminé, plus de 200 enfants, femmes et hommes palestiniens avaient été tués. Le massacre était conçu en guise d’avertissement pour tous les Palestiniens.

Alors que l’Agence juive "condamnait" officiellement le massacre de Deir Yassin, elle intégrait, le même jour, la milice de l’Irgun dans le Commandement de l’armée officielle.

Douze jours après Deir Yassine, les forces sionistes ont lancé une attaque meurtrière sur les quartiers palestiniens de la ville mixte de Haïfa. Ils ont lancé des baril-bombes remplis d’essence et de dynamite dans les ruelles de la ville fortement peuplée tandis qu’ils pilonnaient les quartiers arabes avec des obus de mortier. La quasi-totalité de la population arabe a fui

En une semaine, des stratégies similaires ont fait fuir 77000 sur les 80000 Palestiniens vivant dans la ville portuaire de Jaffa.

Le 15 mai 1948, quand Israël a proclamé son indépendance, 300.000 Palestiniens vivaient et mouraient dans des conditions d’exil abominables au Liban, à Gaza, en Syrie et dans la Vallée du Jourdain. A la fin de cette année-là, le nombre de Palestiniens dépossédés était passé à 750.000.

Pendant la guerre de 1948, Israël, avec ses ressources économiques et militaires supérieures et le soutien de puissances occidentales, a conquis 78% de la Palestine.

La stratégie militaire d’Israël était de conquérir non seulement les terres, mais aussi de chasser le plus possible de population palestinienne de cette terre.

Près de 80% de la population arabe ont été "transférés" de force afin de mettre en place le nouvel Etat d’Israël. Leurs fermes, leurs lieux de travail et leurs maisons ont été volés, représentant une base indispensable à la nouvelle économie israélienne et à l’État.

Pendant la "Guerre des Six Jours" de 1967, Israël a saisi le reste de la Palestine Historique : la Cisjordanie et Gaza. Cela a créé 300.000 nouveaux réfugiés, dont beaucoup étaient des exilés pour la seconde fois, ayant déjà fui les Israéliens, 19 ans plus tôt.

Aucun de ces expulsés de 1948 et 1967, ni leurs descendants, aujourd’hui au nombre de plus de 6 millions, n’ont jamais été autorisés à revenir ou ont été indemnisées pour leurs pertes.

Cette injustice reste en vigueur malgré la résolution 194 de l’ONU, adoptée en décembre 1948, indiquant sans équivoque que tous les réfugiés devaient être autorisés à revenir et à récupérer leurs foyers, leurs terres et autres biens. Les gouvernements américain et israélien ignorent la résolution de l’ONU depuis plus d’un demi-siècle.

Tout en empêchant par la force le retour de l’ensemble des exilés Palestiniens, le nouvel État israélien a proclamé que toute personne vivant n’importe où dans le monde possédant la preuve d’un grand-parent juif, peu importe si elle ou sa famille avait jamais mis les pieds au Moyen-Orient, avait le "droit au retour "en Israël. Ceux qui "rentreraient" obtiendraient immédiatement la citoyenneté dans le nouvel état exclusiviste.

Le Droit au Retour demeure une demande essentielle

Six décennies après Al Nakba, le droit au retour est un problème majeur malgré les constants efforts des dirigeants israéliens et américains pour l’ignorer.

C’est pourquoi la cause reste aussi vitale pour les Palestiniens. Si un peuple est privé de sa terre, son existence même en tant que peuple est menacée. La défense du droit au retour est un élément essentiel dans la lutte visant à maintenir l’unité du peuple palestinien entre ceux qui restent en Palestine Historique et les familles qui ont été illégalement expulsées.

L’opposition des Israéliens au retour des Palestiniens ne réside pas vraiment dans le fait qu’il n’y a "pas de place" pour les Palestiniens en Palestine, comme le prétendent souvent les idéologues sionistes. Cet argument est manifestement raciste.
Le démographe palestinien, le Dr Salman Abu Sitta a démontré clairement que la plupart des plus de 500 villes et villages palestiniens démolis restent inoccupés aujourd’hui. Ils ont été détruits et leurs habitants chassés essentiellement pour des raisons politiques : la création d’un État exclusiviste.

Cette question n’est pas non plus enterrée avec le temps. Des centaines de milliers de personnes exilées de force en 1948 et 1967 sont encore en vie aujourd’hui. De nombreuses personnes possèdent, parmi leurs biens les plus chers, les clés de leurs maisons en Palestine.

Certaines de ces maisons, en particulier dans les villages démolies, ont été rasées au bulldozer. Toutefois, beaucoup d’autres, en particulier dans des villes comme Haïfa, Jaffa, Jérusalem et ailleurs, ont été expropriées et remises à des colons israéliens, qui y habitent, aujourd’hui.

Aujourd’hui, 46% des six millions de réfugiés palestiniens résident en Palestine Historique, dans les frontières de 1948 d’Israël, ou en Cisjordanie et à Gaza. 42 autres pour cent vivent à 100 kilomètres de ses frontières, en Jordanie, au Liban, en Syrie. (Roane Carey, éd., The New Intifada, Versa, 2001)

En d’autres termes, près de 9 réfugiés palestiniens sur 10 pourraient être chez lui en moins de temps qu’il faut à de nombreuses personnes dans ce pays pour se rendre au travail.

Des centaines de milliers de familles palestiniennes vivent dans une pauvreté extrême dans 59 camps de réfugiés, sans aucune perspective d’un avenir meilleur. Pour eux, le droit au retour n’est pas abstrait ou théorique, mais une question de survie. La situation est particulièrement grave dans les camps du Liban et de Gaza, qui abritent plus d’un million de personnes.

Le retour d’exil des Palestiniens ne signifie pas, comme cela est couramment revendiqué par les partisans d’Israël, que la population juive serait obligée de partir.

Mais cela signifie que Israël ne peut pas continuer à exister en tant qu’Etat d’apartheid, avec des droits spéciaux pour un groupe, servant les intérêts de l’impérialisme dans une région stratégique du monde.

Ceci est la raison principale de l’opposition catégorique des Israéliens et des cercles dirigeants américains au droit au retour des Palestiniens. Cela évoque également la nécessité des gens qui se positionnent pour la justice et l’autodétermination de défendre le droit au retour en tant que droit démocratique fondamental.

Source : http://www.pslweb.org/
Traduction : MG pour ISM